Huit ans après le lancement des premiers appels à projets et ateliers Bibliovizz, qui nous avaient réunis les 20 et 21 juin 2017 à l’Anticafé Olympiades, l’ADBU a proposé un point d’étape sur l’adoption et l’appropriation de ces outils et méthodes au sein de nos communautés. Cette journée, organisée en collaboration entre la commission SDSI et la commission pilotage et évaluation de l’ADBU, s’est attachée à mettre en lumière l’importance des choix et méthodes de gouvernance de la donnée dans les projets de visualisation.

Cette approche a reflété la maturité croissante de nos administrations dans la gestion et la curation des données. Il s’agissait en effet de positionner le choix de l’outil non comme un point d’entrée mais bien comme la résultante d’une analyse transversale tenant compte des besoins du pilotage ainsi que des défis et contraintes touchant la gouvernance et la gestion des données de nos structures, de nos établissements comme de nos écosystèmes métiers, nationaux ou internationaux.

Qu’est-ce que la gouvernance des données et comment pouvait-elle s’organiser à l’échelle d’un établissement ? Quelle distinction faire entre outils de business intelligence (aide à la décision) et outils de data-visualisation ? Quelles étaient les limites et la plus-value de la dataviz pour le pilotage d’une BU ? Quels indicateurs faisait-on remonter ? Quelles précautions et critères fallait-il prendre en considération lors de la sélection de ces outils ?

Voici quelques-unes des questions auxquelles nous avons tenté de répondre au cours de cette journée, notamment à l’appui de retours d’expérience d’établissements ayant particulièrement investi le sujet ou certaines solutions au cours de ces dernières années. L’événement a rassemblé une centaine de participants, confirmant l’intérêt de nos communautés pour ces enjeux stratégiques.

Un grand merci aux commissions Pilotage et Evaluation, et SDSI pour l’organisation et l’investissement qui ont permis le succès de cette journée.


LE COMPTE-RENDU DE LA JOURNEE

La journée d’étude consacrée à la gouvernance des données dans l’ESR s’est tenue à Jussieu le mardi 17 juin dernier. Elle était organisée par les commissions Signalement, données et système d’information et Pilotage et évaluation animées respectivement par Cédric Mercier (Université Paris-Saclay) et par Nelly Sciardis (Université Polytechnique – Hauts-deFrance). Elle a permis de poser les fondations d’une culture partagée autour d’un enjeu stratégique : les dispositifs de gouvernance, d’outillage et de pilotage par la donnée. La matinée a ouvert sur une clarification conceptuelle : la gouvernance *de* la donnée (ensemble de règles et processus visant la qualité, l’interopérabilité, la traçabilité) versus la gouvernance *par* la donnée (usage de la donnée comme support de décision stratégique), qu’il s’agisse de données de recherche ou bien de données de référence sur les moyens alloués à la recherche.

 

Deux profils structurants sont à distinguer au cœur du dispositif

Isabelle Blanc, Administratrice ministérielle des données, des algorithmes et des codes sources (ADAC), au Ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche, a rappelé le rôle fondamental des ADAC dans les établissements, en miroir de la fonction ministérielle. Elle a souligné la nécessité de créer des référentiels communs pour garantir la fiabilité et l’interopérabilité des données – un enjeu d’autant plus crucial dans un contexte d’ouverture des données et de pilotage numérique. À leurs côtés, les Administrateurs des Données de Référence (ADR) assurent une cohérence et une structuration fine des données d’appui à la stratégie. La nature de la gouvernance des établissements, composée de membres élus, contraste fortement avec la stabilité des organismes nationaux : la capacité à proposer des datavisualisations percutantes est d’autant plus importante.

L’intervention d’une ADAC de terrain (Chloée Fabre – Toulouse 2) a illustré les leviers, outils et obstacles rencontrés : absence de réseau formalisé, multiplicité des acteurs à coordonner (DPO, chercheurs, DSI), hétérogénéité des systèmes, manque de culture commune de la donnée. À Toulouse, un important travail a été mené pour structurer une gouvernance autour des données de la recherche, incluant les codes sources et les algorithmes, en lien avec les principes de science ouverte, mais cette problématique est clairement isolée de la question plus globale des données de gouvernance des établissements.

 

Données institutionnelles, fusion et qualité : défis communs

Des retours d’expérience (Poitiers, Paris-Saclay, UGA) ont mis en lumière la complexité liée aux fusions d’établissements, où l’uniformisation et l’urbanisation des données deviennent critiques. Dominique Fiquet (Saclay) a évoqué un projet de cartographie du SI pour comprendre les flux et poser les bases d’une urbanisation structurée, dont les enjeux sont aisément “montrables” à la gouvernance de l’institution grâce à la datavisualisation. À Poitiers, Marie Gac a détaillé la mise en place d’un Système d’Information Décisionnel (SID) avec Sterennes, précédée d’un travail essentiel sur la qualité des données via un réseau interne des producteurs de données. Il est à noter qu’à l’université de Rennes, Sterennes commence à travailler sur la brique fréquentation des bibliothèques.

Dans ces projets, un principe clé : fiabiliser la donnée pour en faire un levier de stratégie, non un objet de débat. Des cas emblématiques comme la gestion des doctorants (étudiants/professionnels) ou le suivi des APC (Article Processing Charges) illustrent les zones grises entre métiers, services et systèmes. La mise en place de tableaux de bord à plusieurs niveaux de lecture, adaptés à chaque métier, semble rencontrer tous les suffrages.

 

Systèmes d’information décisionnels (SID) : vers une convergence des outils

L’après-midi a été consacrée à l’écosystème des outils. Trois projets structurants ont été présentés :

  • SIROCCO (Jean-Baptiste Marion, Lyon 3), plateforme communautaire (11 établissements) orientée patrimoine, RH, finances, formation, construite selon une logique de modularité.
  • STERENNES (Rennes) Initié en 2017 à Rennes, Sterennes permet avant tout de fiabiliser les données et de renforcer le pilotage de l’établissement. Le projet de Rennes soutenu par la DGESIP a été “vendu” à 26 universités.
  • SID de l’UGA, structuré pour centraliser les outils de pilotage.

Ces projets révèlent des choix différenciés en matière d’infrastructure, mais tous insistent sur la nécessité d’un métier dédié pour faire vivre les SID. Une fois encore, la question de la qualité des données a été évoquée, notamment par le DSI de l’Univ. d’Artois qui a dressé un tableau des différentes possibilités d’alimentation d’un SID (au fil de l’eau, par chargements périodiques), sans oublier l’existence non négligeable du “shadow IT”. La question de l’intégration des données des bibliothèques a été discutée : si les indicateurs produits par les SCD sont riches et nombreux, leur intégration dans les SID reste difficile (diversité des sources, faible automatisation, absence de brique spécifique « BU »).

Lucie Chanas a présenté les résultats d’une enquête menée auprès des SCD en mars-avril 2025 pour mieux connaître les indicateurs BU demandés par ou remontés aux établissements ainsi que les outils utilisés, l’existence de SID. L’usage des collections – papier et numérique – fait partie des indicateurs les plus demandés : nombre de prêts et nombre de téléchargements ou consultations en ligne. Si l’on regroupe avec les indicateurs sur la volumétrie et les dépenses de collections, on arrive à 15 indicateurs (soit 25%). A égalité avec les usages des collections, les archives ouvertes et les indicateurs en lien avec la science ouverte : statistiques HAL, données bibliométriques. On trouve enfin la fréquentation et tout ce qui touche à l’utilisation des espaces de travail puis les horaires. Ont été beaucoup moins cités : la formation des usagers, les données RH et les données qualitatives issues des enquêtes / satisfaction usagers / expérience étudiante. 15 répondants signalent l’existence d’un SID dans leur établissement (dont 3 avec un SID bibliothèque), contre 12 sans SID. Les répondants mentionnent Power BI (7 fois), Sirocco (5 fois), Sterennes (1 fois), Tableau (1 fois), Sphinx (1 fois). Un constat général : le nombre d’indicateurs remontés volontairement par la BU est 2 à 3 fois supérieur au nombre d’indicateurs exigés par l’établissement. A l’issue de cette présentation, les participants étaient invités à répondre à cette question en direct :

Sécurité, souveraineté et outillage : un nouveau paradigme

La dernière partie de la journée a permis d’aborder les enjeux de souveraineté numérique et de sécurité des données. Thomas Porquet (Couperin) a rappelé les risques liés au Cloud Act, aux conditions contractuelles des éditeurs (ex : Elsevier, EBSCO), et les dérives potentielles de la consolidation verticale. Les dimensions RGPD, réutilisation des données, hébergement sont devenues structurantes dans le choix des outils. Une grille d’analyse a été présentée (Hélène Pipet, Upec/Adbu), articulée autour de 4 axes :

  • Cadre institutionnel, modèle économique, gestion des accès ;
  • Capacité de restitution et de visualisation ;
  • Interopérabilité ;
  • Ergonomie.

Un panorama des outils a été dressé : Tableau, Power BI, EZMesure (Kibana Couperin), Metabase, Business Object, Qlik, Grafana, Alma Analytics… La souveraineté varie selon les modes d’hébergement et la nature des éditeurs. Lodex, outil public opéré par un opérateur public, a aussi été mentionné comme alternative souveraine. Des démonstrations ont permis de présenter l’utilisation de certains outils dans des projets déjà aboutis (EZMesure pour la qualification des usages des ressources numériques à Lille, Omniscope & Tableau pour des indicateurs stratégiques de la BU ou de la Scolarité, Toulouse, avec Power Bi qui met en relation de nombreuses données d’activité avec des résultats d’enquêtes), en lien avec les questions de modélisation en étoile, de restitution, et de collaboration inter-services.

 

Finalement, une gouvernance à structurer collectivement

Cette journée a permis d’identifier un double impératif : structurer la gouvernance des données (par des fonctions, référentiels, processus) et développer une culture partagée, au croisement des métiers (pilotage, documentation, informatique, recherche). Les bibliothèques, fortes de leur expertise historique en métadonnées, ont toute leur place dans cette dynamique, mais nécessitent des interconnexions plus fortes avec les autres briques du SI (recherche, RH, DEVU…). Les échanges ont également souligné un besoin fort de mutualisation, d’outils ouverts, et de formations, pour faire de la donnée un commun stratégique au service du pilotage éclairé et souverain des établissements.

recevez tous les mois les dernières nouvelles de l'adbu !

  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.