Article rédigé par Anne REVEILLE, Responsable du réseau Médiathèque Campus ARTEM/e-BU Campus Manufacture et Virginie BULACH, Cheffe de projet.

Part. 2/2

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La stratégie documentaire

Le nouveau contexte informationnel lié aux développements du numérique modifie le rapport que les individus et les bibliothèques entretiennent avec le savoir. La e-BU, projet pilote de la Direction de la Documentation (DDoc) de l’Université de Lorraine (UL), a su prendre le virage du tout numérique tout en conservant un lieu physique et se place comme étant un modèle évolutif et innovant de la gestion des collections.

Ce modèle unique en France interroge et questionne sur son fonctionnement, que ce soit le grand public ou les professionnels des bibliothèques. Est-ce vraiment une bibliothèque s’il n’y a pas de livres ?

Une bibliothèque sans livres ne signifie pas « bibliothèque sans collections ». Le livre papier est un support, un médium d’accès à l’information mais l’environnement numérique offre un panel documentaire riche et intéressant à exploiter dans le cadre de la recherche scientifique ou informationnelle. L’objectif de cette orientation réside dans la rematérialisation des ressources en ligne, afin de rendre palpable et visible l’offre documentaire numérique conséquente de l’e-BU.

Desservant une forte communauté de niveau Licence, représentant en moyenne 74,5% du public de proximité du Campus Manufacture, l’e-BU a rapidement saisi le rôle de passerelle entre information et pédagogie qu’elle doit incarnée.  Tout l’enjeu de cette bibliothèque est de rendre visible l’invisible et de mettre en place une politique documentaire basée sur l’accompagnement des usagers dans leurs pratiques et usages des ressources en ligne.

Quatre ressources phares ont été choisies pour mettre en avant la richesse des collections électroniques de l’établissement :

  • Cairn, pour ses encyclopédies en ligne et ses revues.
  • ScholarVox, une bibliothèque numérique augmentée d’outils pédagogiques.
  • EuroPresse, pour l’actualité et la presse.
  • L’Harmathèque, pour les eBooks de niveau recherche.

Ainsi, la politique documentaire est transfigurée et se coordonne en trois étapes :

  • La valorisation des collections.
  • La médiation documentaire et numérique.
  • L’analyse et l’évaluation du service.

La valorisation des collections

Cette première étape permet de définir les modalités d’accès et la communication mises en place autour des collections.

Les étagères de cours
Des étagères de cours incitatives ont été créées pour chaque diplôme du Pôle Herbert Simon (PHS). Chaque enseignement est appuyé par une sélection d’ouvrages, émanant des bibliographies des enseignants, des brochures d’enseignement, des demandes d’acquisition des enseignants, ainsi que des acquisitions de la bibliothécaire de liaison, visant à accompagner les travaux et les recherches des étudiants. Ces étagères sont matérialisées grâce à des affiches comportant les références de l’ouvrage, un QR code, ainsi que les modalités d’accès aux ressources en ligne.

Les tables thématiques
Des tables thématiques ont été mises en place selon le même modèle que les étagères de cours. Ciblant un diplôme, ces tables incitatives regroupent un ensemble de ressources destiné à répondre aux besoins documentaires des étudiants. Ces tables sont augmentées, en plus des affiches matérialisant des e-Books, de suggestions de revues. Des ouvrages papier, uniquement consultables sur place, sont également présentés. Disponibles à la fois sous format numérique et papier, ils sont accompagnés d’un marque-page contenant le QR code de la ressource en ligne. En présentant la pluralité des supports, il est possible de sensibiliser les étudiants au contenu et de mettre en avant l’accès constant et illimité des ressources en ligne.

Les supports de valorisation 3d
Dans une démarche de rematérialisation des collections, des supports de valorisation 3D ont été créés et déposés dans les salles de lecture. Trois modèles ont été générés afin de différencier les pratiques d’utilisation :

  • Cube A4 : Les bases de données
  • Cube A3 : Les e-Books achetés au titre à titre
  • Pyramide A4 : Les étagères de cours incitatives

L’enjeu de cette opération est à la fois de rendre matériel, palpable les e-Books et les documents en ligne pour une meilleure approche de nos publics vers ce médium d’information, mais également d’envisager la valorisation comme une démarche incitative, permettant à nos bibliothécaires d’avoir une connaissance profonde des collections en ligne.

La e-Revue
La e-Revue est une publication web à parution hebdomadaire composée d’une sélection d’articles d’actualités qui ont marqué la semaine et d’articles spécifiques correspondant aux domaines spécifiques des deux facultés desservies par le Campus Manufacture : les sciences de gestion et les sciences cognitives.

La création d’une e-Revue permet de lier le repositionnement des activités des magasiniers avec les nouvelles pratiques informationnelles. Il s’agit d’être producteur de contenus informationnels en plus d’incarner un pont vers la connaissance.

 

La médiation documentaire et numérique

L’université est médiatrice de la science par nature : l’enseignement est la première façon de transmettre la science et la recherche n’a pas d’impact sans médiation.[1] En soutien à ces deux missions, les bibliothèques universitaires s’inscrivent également dans une dynamique de médiation scientifique. Cette médiation passe notamment par la valorisation des collections ainsi que par l’action culturelle qui promeut une ouverture scientifique et culturelle.

A l’e-BU, l’action de médiation devient cruciale, fondamentale. Bibliothèque sans livres papier, l’e-BU doit œuvrer à la mise à disposition ainsi qu’à l’accessibilité de ses collections électroniques. Grâce à sa politique de valorisation, stratégie d’entrée vers les collections électroniques, l’e-BU assure l’accès à l’information pour ses usagers mais est également un appui contre l’infobésité.

Mais quid de l’illectronisme ? Dans ce contexte du tout numérique, notre observatoire des usages mené en décembre 2019 démontre que les étudiants sont majoritairement bien équipés numériquement mais qu’ils possèdent des lacunes en termes de recherche et d’accès à l’information. De plus, comme le dénote Jérémie Desjardins « Le développement des ressources documentaires de type électronique dans les bibliothèques pose un problème crucial : celui de la formation et de la médiation des usagers à ces nouvelles pratiques de recherche. Ce secteur devient alors un enjeu majeur pour les professionnels des bibliothèques qui doivent évaluer exactement leur rôle, mais aussi les moyens nécessaires à la réalisation de leur mission de formation à l’information. »[2]

En effet, les mutations de l’information et de son accès imposent une nouvelle relation entre les bibliothécaires et leurs usagers. A ce titre, l’e-BU fait évoluer le métier de bibliothécaire et monte en compétences ces agents au titre de « médiateur documentaire ». Des actions et des missions précises sont donc à mettre en œuvre pour assumer son rôle de médiateur nécessaire avec le développement des nouvelles technologies et d’un contexte informationnel en perpétuel évolution :

  • Aller à la rencontre du public pour répondre à ses besoins de services grâce à la mise en place d’un bureau de médiation identifié en salle de lecture offrant des ateliers personnalisés.

  • Créer des outils de médiation documentaire et numérique avec le projet de développement de vidéos en sketchnoting de type tutoriel pour accompagner l’accessibilité aux actions de valorisation de l’e-BU.
  • Évaluer et analyser les besoins de médiation des usagers. En évolution perpétuelle, les bibliothèques universitaires doivent innover pour renouveler leur mission d’appui à l’enseignement et à la recherche. Au même titre, l’e-BU doit être le moteur de l’évolution en ce qui concerne la médiation documentaire et numérique. Pour cela, l’évaluation et l’observation, sous le prisme des méthodes UX Design, font parties intégrantes de la mission de médiation pour permettre son renouvellement et son adaptation au public permanent.

LE VISA BU : une validation des compétences informationnelles et numériques

L’e-BU, par son concept innovant et par son expertise dans le cadre de la documentation électronique et la médiation numérique, a mis en place le « VISA BU » (Veiller/s’Informer/se Sensibiliser/s’Améliorer), un module pédagogique de validation des compétences informationnelles et documentaires selon l’approche par compétences proposé sur Arche (Moodle) en asynchrone.

Ce dispositif fait office de validation électronique sous la forme d’objectifs. Le VISA BU comprend 4 compétences qui se matérialisent sous la forme de palier à valider en fonction des compétences acquises afin d’obtenir un open-badge, badge numérique.

Pour construire ce projet innovant, un groupe de travail composé de 4 bibliothécaires et de 4 ingénieurs pédagogiques de la Sous-Direction des Usages du Numérique durant une année a permis la bonne construction du produit.

Ce badge est proposé aux étudiants de L3 du Campus Manufacture, certifiant de la validation de compétences informationnelles acquises lors des deux premières années de licence dans le cadre de la formation aux usagers et l’acquisition de connaissances numériques.

L’analyse et l’évaluation du service

Dans le cadre de l’évaluation et de l’analyse de la politique stratégique du projet e-BU, la Mission Aide Au Pilotage, la responsable du réseau et la cheffe de projet travaillent conjointement pour poursuivre la stratégie d’évaluation du projet sous le prisme de l’observation des usages.

Feuille de route : l’évaluation de l’impact de la politique de valorisation des collections de l’e-BU

L’Université de Lorraine, et plus précisément la Direction de la Documentation, s’est emparée d’ezPAARSE, un logiciel versatile d’exploitation et d’analyse d’accès aux ressources électroniques grâce aux logs sur les différentes plateformes des éditeurs de littératures scientifiques. Cet outil permet donc de connaître les utilisations concrètes des différentes bases de données grâce à l’absorption des logs générés par les serveurs et proxy des établissements. Ces données sont ensuite agrégées dans ezMESURE, un entrepôt national centralisant les statistiques d’usage de la documentation numérique des établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR).  Les critères de recherche permettent d’affiner les résultats de manière précise engendrant des possibilités d’exploitation ciblées grâce à la visualisation de tableaux de bord dynamique propulsés par Kibana facilitent la fouille et l’analyse des données d’usage.

Pour l’e-BU, il est donc possible de connaître les connexions établies sur les bases de données phares grâce aux opérations de valorisation, sur une période définie et par un public précis. L’affinage se porte jusqu’à la sélection d’un diplôme, permettant de connaître les véritables exploitations des ressources électroniques par le public estudiantin du PHS.

Les données générées sont tant d’indicateurs précieux pour l’équipe de la e-BU puisque leurs analyses forment l’historiographie des actions menées. Elles nourrissent également des interprétations pour les futurs projets tout en permettant d’adapter des points d’amélioration visibles grâce aux tableaux dynamiques et aux statistiques produits.

La mission est coordonnée par la cheffe de projet et assurée par un médiateur documentaire en charge de coordonner la récolte et l’analyse des données d’ezMESURE afin de produire des indicateurs et d’évaluer les fonds documentaires valorisés dans le cadre de la politique documentaire d’une bibliothèque physique sans collections papier.

Journal de bord : indicateurs et statistiques des données utilisateurs du Visa BU

Pour évaluer l’impact du VISA BU sur les populations des L3 du Campus Manufacture et constater de la pertinence de l’outil dans le cadre de la réussite étudiante et de l’amélioration continue des services, les méthodes UX-Design sont utilisées.

Grâce aux indicateurs recueillis, les données quantitatives constituent une première porte d’entrée vers l’évaluation. En effet, ces éléments sont un constat factuel qu’il convient d’interpréter pour améliorer, simplifier et modifier le dispositif, en fonction des résultats obtenus.

L’objectif de ce journal de bord est de mettre en exergue trois pistes de lecture :

  • Le niveau d’adhésion des étudiants au dispositif pour connaître la participation des publics, notamment grâce aux données chiffrées disponibles dans ARCHE (comme la date de première connexion, de dernière connexion, la progression, le nombre de connexion, les résultats obtenus…), pour évaluer l’expérience utilisateur de la certification.
  • L’impact de la certification pour l’utilisation des services de la e-BU et de la DDoc (notamment grâce à ezMESURE dont les variations de consultation des ressources électroniques permettraient d’évaluer des tendances de connexion liées au VISA BU).
  • La corrélation entre le VISA BU et la réussite étudiante (avec l’identification d’enseignants-référents pour constater d’une réutilisation des acquis de la certification dans le cadre des projets tutorés ou de travaux de groupe, par exemple).

[1] Sonnefraud, Claire. « La médiation par la collaboration et la formation des usagers en bibliothèque universitaire de sciences ». Médiatiser la science en bibliothèque. Villeurbanne : Presses de l’ENSSIB, 2016, pp. 50-59. En ligne : http://books.openedition.org/pressesenssib/5227.

[2] Desjardins ,Jérémie. « Les bibliothèques contre l’« illectronisme » », Bulletin des bibliothèques de France (BBF), 2000, n° 4, p. 120-122. En ligne : https://bbf.enssib.fr/consulter/bbf-2000-04-0120-006 ISSN 1292-8399.

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