Depuis leur création en 1984, les Services communs de la documentation (SCD) ont mis en œuvre pour l’essentiel la politique documentaire de leurs établissements. Par leur rôle fédérateur, ils ont constitué un atout pour les universités, particulièrement en termes de pilotage.

Le contexte des réformes en cours dans les universités françaises doit être l’occasion de conforter, faciliter et renforcer cette logique centripète : les SCD s’inscrivent naturellement dans l’esprit de la loi LRU.

Mais encore faut-il leur donner les moyens institutionnels, budgétaires et humains nécessaires. C’est le sens des propositions suivantes, adoptées à une large majorité par les directeurs et personnels d’encadrement des SCD, SICD et services documentaires des établissements relevant du Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, lors de l’Assemblée générale extraordinaire de l’ADBU du 12 novembre 2007.

Refonder la politique nationale de l’Information Scientifique et Technique (IST)

L’efficacité d’une politique documentaire s’évalue autant dans la qualité du réseau que dans l’action locale. Sur le plan national, les SCD peuvent se féliciter depuis leur création de réalisations remarquables, qu’il s’agisse par exemple du signalement mutualisé des ressources documentaires de l’enseignement supérieur constitué sous l’égide de l’ABES (catalogue collectif national du SUDoc), ou de la mise en place du consortium COUPERIN pour l’achat groupé de ressources électroniques.

Cependant, la structuration optimale de ce réseau, rendue plus que jamais nécessaire du fait du rapport de force défavorable avec les multinationales de l’édition, se heurte à de puissantes difficultés institutionnelles. Dans la communauté de recherche française, EPSCP et EPST sont à la fois séparés et étroitement imbriqués. La fonction documentaire n’échappe pas aux tiraillements entre les deux secteurs.

Les bénéfices du réseau national de l’IST ne pourront ainsi se déployer de façon optimale qu’au prix d’une refondation et d’une rationalisation de ce réseau : il y a à redéfinir les cadres d’action entre les différents acteurs de l’IST française, au niveau national comme au niveau local, et à articuler une collection électronique nationale mutualisée (archives comprises) avec les politiques documentaires locales. L’ADBU demande donc la mise en place d’une instance nationale de coordination de l’IST regroupant tous les acteurs concernés.

Jouer leur plein rôle au sein de cette instance suppose pour les EPSCP une mutation du regard porté sur la fonction documentaire : la loi LRU rappelle que le développement de l’IST constitue l’une des cinq missions fondamentales de l’université, et non une simple fonction support. Cette mission doit être pensée et soutenue au même niveau que la recherche, la formation ou les relations internationales. C’est pourquoi l’ADBU demande la création d’une commission IST au sein de la CPU, sur le modèle des commissions déjà existantes pour les autres grandes missions de l’Université.

Participer à la réduction de l’échec en premier cycle

L’accent mis ces dernières années, du fait de la hausse de ses coûts, sur l’IST, ne doit pas conduire à négliger l’importance de la fonction documentaire pour la formation. En ce domaine, un point de rupture est prêt d’être atteint : les SCD des universités scientifiques peuvent ainsi aujourd’hui dépenser jusqu’à 85% de leur budget d’acquisition pour l’IST, contre 15% seulement pour leurs achats documentaire de niveau enseignement.

Cette distorsion n’est pas tenable, surtout si l’on entend, dans le cadre du récent Plan Licence, réduire l’échec en premier cycle. Il y a pour ce faire à repenser la place de la lecture étudiante dans la formation dispensée à l’université, ainsi que le préconisait déjà Emmanuel Fraisse en 1993 : cette analyse n’a rien perdu de son acuité ni de son urgence.

La réforme pédagogique qu’elle implique reste nécessaire afin de se rapprocher des pratiques en vigueur à l’université dans les pays qui réussissent. Pour produire tous ses effets, elle doit être accompagnée également dans les SCD, qui sont partie prenante de la diffusion et de l’appropriation des savoirs. Cela implique :

- l’alignement des budgets d’acquisition sur ceux des pays développés comparables. Aujourd’hui, la France accuse en effet sur ce plan un retard inadmissible, que l’Espagne, par exemple, partant de plus loin, a su combler en 15 ans ;

- le développement d’une véritable formation à la recherche documentaire, obligatoire, intégrée aux maquettes d’enseignement et articulée au C2i, donnant lieu à une évaluation réelle des acquis et à l’obtention d’ECTS ;

- l’alignement des taux d’encadrement en personnel de bibliothèque sur ceux des pays développés comparables, le recours au monitorat étudiant ne se substituant pas, à l’étranger, aux emplois titulaires, mais venant les compléter ;

- la poursuite de la mise à niveau et de la construction de bâtiments de bibliothèques universitaires : les plans U2000 et U3M ont permis de combler une partie du retard des campus français en la matière, mais beaucoup reste à faire et la bibliothèque universitaire constitue plus que jamais un lieu essentiel (et parfois le seul) de la socialisation étudiante, comme en témoigne le succès enregistré par les nouveaux équipements ouverts depuis 15 ans.

Le SCD, opérateur de la fonction documentaire de l’établissement

Les SCD sont régis par le décret n° 85-694 du 4 juillet 1985, modifié n° 91-320 du 27 mars 1991. Cette organisation coopérative et mutualisatrice a permis de faire avancer la fonction documentaire dans les EPSCP et de rapprocher son organisation de celle en vigueur dans les pays développés comparables.

L’esprit du décret de 85 doit être maintenu : il va pleinement dans le sens de la réforme actuelle de l’université. Pour aller plus loin, le contexte de la loi LRU doit être l’occasion de renforcer la logique de mutualisation initiée par le décret, dans l’optique d’une organisation améliorée de la fonction documentaire dans l’université.

Pour ce faire, l’ADBU demande :

- à ce que soit renforcé le rôle du SCD comme opérateur du réseau documentaire de l’université. Ce renforcement implique le rattachement au SCD de l’ensemble des ressources, budgets et personnels documentaires de l’université (bibliothèques d’UFR et de facultés, bibliothèques de laboratoires) ;

- à ce que soit maintenu le conseil de la documentation, qui a fait ses preuves en tant qu’instance de concertation et d’élaboration de la politique documentaire de l’établissement ;

- à ce que le Président permette au directeur du SCD, personnel scientifique des bibliothèques, de jouer pleinement son rôle d’expertise et de conseil en l’associant aux instances dirigeantes de l’établissement.

Pour ce qui est des missions des SCD, elles sont traditionnellement de trois ordres :

- diffusion de l’information scientifique et technique ;

- structuration de l’information scientifique et technique ;

- production et valorisation de cette information.

La nouvelle donne technologique ne modifie pas la nature de ces objectifs, mais elle en étend naturellement le périmètre aux nouveaux supports et outils de l’IST. Dans ce contexte, éviter de réitérer dans le monde numérique la balkanisation qu’a connu celui de la documentation papier suppose de confier clairement au SCD la responsabilité de la maîtrise d’ouvrage de la brique documentaire du système d’information de l’établissement. Cette clarification, loin d’exclure l’échange, implique au contraire des collaborations nombreuses et fructueuses, que ce soit avec les CRI, les cellules TICE ou les services de communication et ceux de valorisation de la recherche. Elle est en même temps le seul moyen de donner à la politique de l’IST de l’établissement les assises techniques cohérentes nécessaires à l’articulation de tous les services attendus, aujourd’hui, de la fonction documentaire : recherche fédérée (métamoteur, résolveur de liens), accès distant aux ressources électroniques depuis l’extérieur du campus, services personnalisés en ligne, indexation des ressources pédagogiques, aspect éditoriaux de valorisation de la production scientifique (thèses électroniques, archives ouvertes, bibliométrie, etc.).

Refonder la politique documentaire de l’enseignement supérieur et de la recherche : 10 propositions de l’ADBU

1. Mise en place d’une instance nationale de coordination de l’IST regroupant tous les acteurs concernés

2. Constitution d’une collection électronique nationale

3. Création d’une commission IST (Information Scientifique et Technique) au sein de la CPU

4. Alignement des budgets d’acquisition sur ceux des pays comparables, ce qui suppose au minimum le doublement des budgets actuels

5. Alignement des taux d’encadrement en personnel de bibliothèque sur ceux des pays comparables (6 ETP pour 1.000 étudiants)

6. Développement d’une véritable formation à la recherche documentaire obligatoire, intégrée aux maquettes d’enseignement et articulée au C2i, donnant lieu à une évaluation réelle des acquis et à l’obtention d’ECTS

7. Poursuite de la mise à niveau et de la construction de bâtiments de bibliothèques universitaires

8. Association du directeur du SCD aux instances dirigeantes de l’établissement

9. Le SCD opérateur du réseau documentaire de l’université (rattachement au SCD de l’ensemble des ressources, budgets et personnels documentaires de l’université)

10. Le SCD maître d’ouvrage de la brique documentaire du système d’information de l’établissement

recevez tous les mois les dernières nouvelles de l'adbu !

  • Ce champ n’est utilisé qu’à des fins de validation et devrait rester inchangé.