Devant gérer la jauge de leur fréquentation dans le contexte de crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19, les bibliothèques universitaires ont dû se pencher, depuis le printemps 2020, ou le mois de septembre suivant, sur les modalités de sa gestion, et plus largement sur la façon de monitorer la fréquentation.

Nous souhaitons ici revenir sur les méthodes, les mesures et indicateurs possibles, et dans le cas de deux établissements particuliers, montrer ce qu’il a été possible de faire, et ce qui a été pérennisé à partir de la rentrée 2021 de sortie de crise.

Entrées/ Sorties

La première mesure de fréquentation de la bibliothèque consiste tout simplement à compter les entrées et les sorties. Ce comptage ne fait, bien évidemment, pas la distinction des individus, et l’on peut compter indifféremment personnel et usagers, ou un même usager qui franchirait plusieurs fois les portes de la bibliothèque.

L’intérêt de de cette mesure : la comparabilité de jour en jour, de semaine en semaine, etc. (comparabilité diachronique) permettant de définir une saisonnalité ; son appropriation facile (notamment par les gouvernances d’établissements) puisque mesure communément admise pour tous les établissements accueillant du public, notamment les musées.

L’inconvénient : imprécision de la nature de la visite ; avantage ou désavantage de l’emplacement du compteur selon que des cafétérias ou sanitaires sont localisés au-delà des cellules de détection ; diversité et relative opacité des technologies de comptage, qui peuvent nuire à la comparabilité des mesures à l’échelle d’un même établissement (quand plusieurs technologies cohabitent) ou entre établissements.

Taux d'occupation des places de consultation

Cette mesure consiste à calculer un indicateur d’occupation à un instant T. On rapporte le nombre de personnes présentes au nombre de sièges disponibles. Le ratio fournit le taux d’occupation.

La norme ISO 11620:2013(E) dit :

Taux d’occupation des places de consultation

B.2.3.1.1 Objectif
Évaluer le taux général d’utilisation des places de consultation mises à disposition pour lire et travailler dans la bibliothèque, en estimant la proportion de places utilisées à un moment donné.

B.2.3.1.3 Définition de l’indicateur
Pourcentage de places de consultation utilisées au moment de l’enquête. Les places de consultation exclusivement réservées au personnel ne sont pas incluses.
Sont comprises les places de consultation dans les carrels, salles de réunion et d’étude, secteurs audiovisuel et enfance de la bibliothèque, ainsi que les places situées dans les salons et espaces réservés aux groupes dans lesquels les usagers peuvent s’asseoir de façon moins formelle.
Sont exclus les sièges dans les halls d’entrée, les auditoriums et les salles de conférence prévus pour des manifestations spécifiques. Sont également exclus les espaces au sol et coussins où les usagers peuvent s’asseoir.

B.2.3.1.4 Méthode
Passer en revue les places de consultation mises à disposition pour lire et travailler, avec ou sans équipement, au moment spécifié.
Compter le nombre de places de consultation utilisées.
Le Taux d’occupation des places de consultation est donné par

A/B *100


A est le nombre de places de consultation utilisées ;
B est le nombre total de places de consultation offertes.
Arrondir au nombre entier le plus proche.

Les places de consultation présentant des signes d’utilisation (présence de manteaux, de sacs, de cahiers, etc.) sont comptabilisées parmi les places utilisées, même si l’usager est absent. Au vu de la variabilité inhérente à cet indicateur, il est possible d’obtenir un indicateur plus précis en mesurant le Taux d’occupation des places de consultation à intervalles aléatoires pendant une période donnée, puis en calculant le taux d’occupation moyen (à l’aide de la somme totale des places de consultation utilisées, divisée par la somme totale des places de consultation offertes, multipliée par 100).

B.2.3.1.5 Interprétation et facteurs ayant une incidence sur l’indicateur
Cet indicateur est un nombre entier compris entre 0 et 100. Il sert à estimer la probabilité qu’une place choisie au hasard soit utilisée à n’importe quel moment ou aux moments spécifiés.

L’intérêt de de cette mesure : elle permet de connaître le taux de remplissage des espaces, et plus généralement le succès de la bibliothèque comme espace de séjour, l’adéquation des places offertes aux besoins, les variations saisonnières, à condition que la mesure soit faite régulièrement.

L’inconvénient : elle nécessite le plus souvent des comptages manuels qui peuvent être fastidieux.

La bibliothèque de Sciences Po Paris compte le nombre de personnes installées dans les salles de lecture plusieurs par jour (matin, midi, après-midi, soir, nocturne). Ces comptages, rapportés au nombre de places offertes par plateau, renseignent sur l’occupation saisonnière de la bibliothèque, la préférence pour tel ou tel plateau, ou encore la distribution moyenne au cours de la journée.

 

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Exemple (on voit ici que le mercredi 15 septembre, par exemple, à 11H30 le taux d’occupation de cette salle était supérieure à 100%)

Le SCD d’Aix-Marseille Université a initié des mesures d’occupation de façon ciblée : dans trois de ses BU ayant conduit depuis 2017 des extensions horaires (cadre PBO+), afin de mesurer l’appropriation des horaires étendus en soirée, pendant les périodes pré-examens. Ces mesures permettent d’évaluer la part que représente l’occupation en soirée par rapport à celle de l’occupation en journée. Elles renseignent sur des phénomènes saisonniers, permettant le cas échéant d’ajuster le calendrier des extensions horaires pré-examens, mais aussi sur l’hétérogénéité des pratiques d’appropriation des soirées selon les BU et donc selon les secteurs disciplinaires. Ce dispositif d’évaluation a été construit afin de pouvoir répondre, le cas échéant, à une demande statistique de la gouvernance ou de la tutelle ministérielle et afin de préparer la prise en charge financière qui devait échoir aux établissements après la fin des crédits BO+.

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Lorsque les places sont soumises à réservation, on peut envisager de déployer d’autres types de mesures et d’indicateurs. De la statistique à l’indicateur, du plus simple au plus compliqué, nous avons pu déployer les mesures suivantes :

Nombre de réservations par rapport aux places offertes/par jour/semaine/mois, etc.

Pour mesurer une saisonnalité. Cependant cette mesure est imprécise dans le cas où certaines places peuvent être réservées plusieurs heures, quand d’autres ne sont offertes que pour des plages limitées et des travaux express, comme pour des places offertes exclusivement pour permettre le lancement d’impressions.

Un meilleur indicateur peut être construit par rapport aux heures effectives d’occupation des places rapportées aux heures de disponibilité. Prendre en compte le nombre d’heures de réservation offertes par chacune des places présente l’intérêt de tenir compte des horaires d’ouvertures distincts de certains espaces (par exemple une de nos bibliothèques à Science Po n’a pas été ouverte le samedi une partie de l’année). On peut alors calculer un taux de réservation par rapport à un volume d’heures/places offertes aux usagers, selon la formule :

nbre d’heures réservées/nbre d’heures offertes.

L’outil Libcal Seat fournit ces données en standard, en fonction des horaires d’ouverture des espaces considérés et du nombre de places ouvertes à la réservation.

Nombre de réservations honorées par rapport aux réservations faites

Le croisement de ces 2 mesures offre une façon alternative de calculer le taux d’occupation en période de réservation obligatoire de la BU :

  • Quand la prise de RDV s’opère en ligne, il est facile, quel que soit l’outil utilisé, de rapporter le nombre de réservations posées par les usagers au nombre de réservations offertes par la bibliothèque. Cela fournit un taux de réservation (il ne doit pas être confondu avec le taux d’occupation). Cependant, un même usager peut réserver plusieurs places ou plages horaires simultanées pour n’en utiliser qu’une seule, on comptera alors plusieurs réservations pour une seule place ou plage horaire occupée.
  • Ce taux de réservation peut toutefois être “converti” en taux d’occupation si on lui retranche le nombre de réservations non honorées par les usagers (“lapins”), à condition toutefois qu’elles fassent l’objet d’un ou plusieurs relevés à un/des instant(s) T de la journée. Mais dès lors que la réservation conditionne l’accès à la bibliothèque, c’est nécessairement le cas : la vérification, manuelle ou automatisée, des réservations permettant l’accès à la bibliothèque, équivaut à un pointage des réservations honorées/non honorées.

L’obligation d’accès sur réservation, telle que rendue obligatoire pendant plusieurs mois durant la crise du Covid et dès lors qu’elle a été gérée via une interface en ligne, a pu avoir pour effet collatéral de faciliter la mesure du taux d’occupation, en ce sens que les données des réservations posées et des réservations non honorées, qu’il s’agit de confronter, ont été a priori collectées automatiquement et récupérables.

Ventilation des réservations/places offertes par espace

Pour identifier les espaces préférés.

Quand le système nécessite une identification du lecteur au moment de la réservation, il sera alors possible de s’engager dans une analyse segmentée des usages pour savoir qui préfère s’installer où (et éventuellement vérifier l’intérêt des étudiants à s’installer près des collections de leurs disciplines).

Répartition des présents par année d’étude, discipline, etc.

La bibliothèque de Sciences Po a ainsi pu étudier, lors du premier semestre 2020, qui venait en bibliothèque, malgré les restrictions dues à la pandémie, et en déduire l’impact de cette offre sur les différentes populations concernées. Par exemple, les étudiants qui préparent des concours ont généré 20% des réservations de la période considérée, et pourtant ils ne pèsent que pour 5% des effectifs ; inversement, les étudiants des Masters de l’Ecole du Management et de l’Innovation constituent 13% des effectifs parisiens et ont généré 6% des réservations.

Nombre d’étudiant unique par semaine/mois, etc.

S’il est possible d’identifier chaque étudiant par son identifiant unique, il sera alors intéressant de distinguer nombre de réservations (ou de visites) et le nombre d’étudiants uniques, et, éventuellement de mesurer les écarts entre catégories d’usagers. Ainsi entre septembre et novembre 2020, nous avons pu relever que 3 398 étudiants de Sciences Po ont généré 19 152 réservations : 5,63 réservations par étudiant distinct ayant réservé. Cependant, observés à la loupe, ces chiffres globaux nous révèlent que :

1 étudiant Prépa concours a généré 10 réservations pendant la période ; mais que 1 étudiant en 2ème année en a généré 5,3… Cet indicateur, on le voit, permet de mieux segmenter les usages des étudiants par sous-populations et de mieux comprendre leurs besoins relatifs pour dessiner le profil de fréquentation par sous-population.

Quand l’identification du lecteur est impossible (pas d’indications sur le profil) : il est possible d’identifier des tendances de fréquentation par bibliothèque, en calculant le nombre de RDV pris par usager unique. Cet indicateur renseigne sur la récurrence du rapport à la BU dans telle ou telle bibliothèque et, par extension, dans tel ou tel secteur disciplinaire. Exemple : à AMU, le plus fort ratio de réservations/usager est observé chez les étudiants du secteur Santé. Cela ne permet pas d’en déduire une fréquentation réelle (ce sont aussi les étudiants qui posent le plus de “lapins”) mais traduit un fort besoin de consommation des espaces physiques de la BU, pratique du reste parfaitement comparable à celles observées dans les BU Santé quand elles sont accessibles librement (“réservation” d’une place en y laissant ses affaires, l’occupation réelle pouvant être très sporadique).

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Texte rédigé par Fanny Clain et Cécile Touitou pour la Commission Pilotage

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