JPol_congrès_ADBU_2014
 
Jeudi 4 septembre, lors de la dernière journée du congrès annuel de l’ADBU, Alain Abécassis, chef du service de la coordination des stratégies de l’ESR (MENESR – DGESIP, DGRI), est revenu a plusieurs reprises dans son discours sur les préconisations issues de la note stratégique commandée à l’ADBU et élaborée avec EPRIST, intitulée : Politique de l’IST : quelle articulation entre politique nationale et politiques de site ?”
Nous vous proposons de découvrir cette note ADBU – EPRIST, et de retrouver le discours d’Alain Abécassis en intégralité. À cette publication nous ajoutons, pour complément, la lettre adressée par l’Académie des Sciences à Geneviève Fioraso  qui structurait l’un des grands axes du discours d’Alain Abécassis
 
 
Politique de l’IST : quelle articulation entre politique nationale et politiques de site ?
Préconisations ADBU – EPRIST à l’attention du MENESR

Les préconisations avancées dans ce document s’inscrivent dans les évolutions en cours des services documentaires de l’ESR autant qu’elles visent à les soutenir et les accompagner : en synthèse, l’on pourrait dire que ces services sont pris dans une mutation déjà ancienne, que le numérique oblige à amplifier et accélérer, depuis des structures organisées autour du document et de ses circuits de traitement, vers des organisations centrées sur les services aux usagers.

De là le sens général des préconisations qui suivent : une politique documentaire qui du fait notamment de la dématérialisation croissante (mais pas totale, loin s’en faut) des supports, gagne à être largement mutualisée au niveau national1 ; une politique de service attachée essentiellement au niveau de proximité que constituent les sites, au plus près des communautés à desservir ― l’ensemble constituant une stratégie articulée et cohérente, fortement intégrée.

1. Des documents

  • Achats mutualisés de documentation électronique ― Du fait notamment du coût élevé de la documentation électronique de niveau recherche, le réflexe premier des décideurs lorsqu’il s’agit de concevoir des politiques de site en matière d’IST est de fixer des objectifs d’achats mutualisés de ressources documentaires. Or les spécificités du marché de l’IST vouent la plupart du temps ces tentatives à l’échec : en l’espèce, mutualisation ne rime pas forcément avec économies d’échelle. En effet, la commercialisation des abonnements aux ressources électroniques repose très souvent sur des tranches tarifaires, fonction du nombre d’utilisateurs potentiels de ces ressources, et par ailleurs jouent les effets du monopole légal que constitue le droit de la propriété intellectuelle, qui permet aux éditeurs académiques d’imposer leurs prix. Quel que soit le cas de figure considéré, le gain pour les établissements n’est pas à la hauteur des coûts de transaction de telles opérations :

  • soit tous les établissements concernés accèdent déjà à la ressource : au mieux l’éditeur se contentera d’additionner les chiffres d’affaires réalisés avec chacun d’eux, pour déterminer un chiffre d’affaire global, et le gain sera nul ; au pire (et c’est le cas le plus fréquent), la somme des utilisateurs potentiels de chaque établissement (dont les opérateurs nationaux que sont les EPST présents sur les sites) conduira à souscrire au global l’abonnement sur la base d’une tranche tarifaire supérieure, et la mutualisation aura pour effet en apparence seulement paradoxal que chacun paiera davantage ;

  • soit seuls certains établissements accèdent déjà à la ressource : dans la plupart des cas, la constitution d’un groupement local incluant les non encore abonnés aura là encore pour effet le passage à une tranche tarifaire supérieure, sans aucun avantage en termes de coûts, au contraire ; dans certaines circonstances, il sera néanmoins possible de réaliser quelques économies, lorsque par exemple les nouveaux abonnés sont de taille suffisamment faible (écoles par exemple) pour qu’il n’y ait pas de changement de tranche tarifaire (voire l’adoption d’une tranche tarifaire inférieure). Mais il y a généralement de bonnes raisons aux choix des établissements non clients de ne pas s’abonner, soit que la ressource n’ait pas d’utilité pour eux, soit qu’elle soit trop coûteuse. Dans tous les cas, les gains de la mutualisation, s’il y en a, seront donc généralement très faibles (et l’on peut en outre gager que les éditeurs, une fois identifié le manque à gagner, profiteront de la négociation contractuelle suivante pour ajuster leur grille tarifaire) ;

  • soit aucun des établissements n’est abonné à la ressource : il y a généralement de bonnes raisons à cela (ressource inutile ou trop coûteuse), et la mutualisation au niveau local ne changera rien à la donne.

Achats mutualisés de documentation électronique

Préconisation n°1 : au vu de la structure très particulière du marché de l’IST, la mutualisation des abonnements aux ressources électroniques en IST n’a généralement quelque impact sur les coûts qu’à un niveau a minima national : une mutualisation de site dans ce domaine est généralement un cas typique de fausse bonne idée, distrayant les énergies et bonnes volontés d’autres axes de collaboration possibles, plus fructueux. Il est impératif que le dialogue contractuel, sinon décourage ce genre de projets, gourmands en énergies et peu rentables, du moins, le cas échéant, examine très sérieusement la viabilité réelle de ce genre de propositions, sur la base d’une cartographie à construire des ressources et de leurs ayants droit déjà existants.

Les négociations de ressources électroniques les plus importantes gagneraient en outre à être concertées et menées sinon conjointement, du moins dans un même calendrier, à un niveau supra-national, par exemple entre les principaux consortia d’Europe de l’Ouest.

  • Rationalisation de la gestion de la documentation imprimée ― Aborder cette question impose de rappeler qu’en 15 ans, les services documentaires de l’ESR ont eu à faire face, en moyens au mieux constants en termes de ressources humaines, à une démultiplication de leurs activités : non seulement l’imprimé est toujours là, mais sa disparition, souvent prédite, jamais réalisée, n’est probablement pas pour demain (cf. notamment les statistiques des entrées d’imprimés au Dépôt légal de la BnF). Avec des moyens limités, et pour tout dire inférieurs aux autres pays comparables, il faut donc à la fois faire face aux nouveaux chantiers, très conséquents, ouverts par le numérique (données primaires de la recherche, conservation pérenne de l’électronique, etc.) et continuer à gérer des documents sur supports analogiques. C’est dire qu’en la matière, la rationalisation au plus haut niveau est une absolue nécessité : il y a à tracer avec précision les contours d’une carte documentaire nationale de l’ESR pour la documentation sur supports analogiques, pendant de programmes comme ISTEX ou Licences nationales pour les ressources électroniques.

Au niveau national, il y a à coordonner :

  • d’une part une politique d’acquisition (achats, dons, échanges, et autres types de collecte) articulant tous les types de supports et de documents (production éditoriale, littérature grise dont les archives scientifiques sur tous supports, données de la recherche, etc.), et tendant à l’exhaustivité pour une thématique scientifique donnée (achats en français et en langues étrangères) : il semble qu’au-delà de la refonte en cours des missions des CADIST, ce soit toute l’ambition du programme COLLEX, qui dans cette logique devrait moins viser à labelliser des bibliothèques ou des établissements que des collections scientifiques spécialisées, y compris de niche2 ;

  • d’autre part une politique de conservation partagée, mobilisant le CTLes (dans le nouveau périmètre national qui est le sien) et l’ABES, la BnF, l’INIST, les grands établissements, voire des silos documentaires en régions, financés sur CPER, dont l’opportunité doit faire l’objet d’une étude prochaine de l’IGB. L’urgence de cette politique est particulièrement aiguë pour les bibliothèques “historiques” des organismes de recherche, sommées aujourd’hui par leur tutelle de libérer à très court terme les précieux mètres carrés occupés par leurs collections analogiques, très spécialisées et souvent très riches.

Mais ce double effort de coordination n’a de sens que si les documents circulent. Il y a donc avant tout à lever les freins juridiques à une modernisation :

  • de la fourniture de documents : une solution technique de type ARIEL ou Visiodoc (envoi par courriel de documents numérisés uniquement imprimables en sortie) présenterait des garanties suffisantes pour les ayants droit, toute dissémination numérique étant rendue techniquement impossible. Une simple modification du Code de la propriété intellectuelle suffirait, assimilant cette fourniture de documents dématérialisés à ce qu’elle est : l’exercice d’un droit de copie privé déporté (ce emporte consécutivement, sur un plan juridique, la gratuité du service) ;

  • du prêt entre bibliothèques : la nécessaire modernisation du service imposerait une solution de numérisation à la demande (NAD), à réserver aux ouvrages tombés dans le domaine public, ainsi qu’aux œuvres orphelines et indisponibles. Sous réserve des moyens nécessaires, la numérisation s’effectuerait en local (avec la probabilité que la BnF réponde à la plus grande partie des besoins), mais la mise en ligne des fichiers numérisés serait centralisée, ce qui offrirait la possibilité, pour les œuvres orphelines, de procéder à un opt-out, et pour les indisponibles, de rétribuer les ayants droit en fonction du nombre de téléchargements constatés3 (un système bien moins compliqué, bien plus sûrement rentable pour les ayants droit, et bien mieux adapté aux besoins des usagers que le complexe et probablement déficitaire montage du dispositif RELIRE).

Au niveau local, en près de 30 ans, et malgré les incitations, encore renforcées en 20114, des textes réglementaires, il n’a pas été possible de résorber de façon significative la dispersion documentaire des campus (bibliothèques universitaires intégrées au SCD, BU des UFR, bibliothèques de laboratoire). Si des progrès ont été accomplis sur ce front, ici et là, grâce à la pugnacité des acteurs de terrain, ils sont insuffisants : la mutualisation n’est pas un mouvement naturel, elle a besoin d’être suscitée par des contraintes et/ou des appâts puissants. La contractualisation doit dans ce domaine enfin jouer un rôle décisif. La logique de carte documentaire nationale esquissée ci-dessus, et les contraintes qui peuvent y être associées, doivent permettre enfin d’atteindre à la rationalisation projetée lors de la réforme de 1985. Il ne s’agit pas que d’une rationalisation de la gestion des collections : l’enjeu est avant tout de dégager, notamment dans les laboratoires, une force de travail désormais généralement sous ou mal employée5, alors que par ailleurs les budgets sont contraints, et les défis et chantiers liés au numérique, immenses. Accompagner ce mouvement suppose la mise en place de plans de formation importants pour les personnels concernés, voire de plans de reconversion.

Rationalisation de la gestion de la documentation imprimée

Préconisation n°2 : – définir, au niveau des acquisitions comme de la conservation partagée de la documentation imprimée, une carte documentaire nationale de l’ESR et lever tous les freins juridiques à une modernisation de la fourniture de documents et du prêt entre bibliothèques, dans le respect des ayants droit (mais pas au-delà) ;

– par la politique contractuelle, des moyens en formation conséquents et l’inscription des moindres entités documentaires académiques existantes, même hors ESR, dans la carte nationale, procéder au niveau des COMUE à une véritable rationalisation des ressources documentaires et à une réallocation au moins partielle des ressources humaines en IST des laboratoires vers des projets de mutualisation au niveau des sites afin de mieux coordonner, au niveau local, les efforts menés, en matière d’IST, par les services communs documentaires des EPSCP et les professionnels des laboratoires (voir ci-après préconisations 5, 6, 8 notamment).

  • Responsabilisation des établissements ― L’enquête annuelle réalisée par l’ADBU le montre : face à la hausse continue du coût des ressources électroniques destinées à la recherche, les établissements ont massivement tenté d’équilibrer leurs dépenses documentaires en usant comme d’une variable d’ajustement des achats documentaires destinés aux étudiants, lesquels ont chuté de 20% ces cinq dernières années6. Sans pouvoir être délimitée aussi nettement que dans le secondaire, où existent des programmes, cette documentation à destination du premier cycle universitaire n’en est pas moins caractérisée par une grande homogénéité sur l’ensemble du territoire, du moins dans les disciplines qui recourent massivement à des manuels (droit, économie-gestion, santé). Parvenir à faire émerger en ce domaine une offre documentaire électronique7 sous licence nationale permettrait tout à la fois :

  • de responsabiliser les établissements d’enseignement supérieur quant à leurs dépenses d’IST ;

  • d’œuvrer dans le sens d’une meilleure égalité des chances : des distorsions importantes existent aujourd’hui entre établissements dans l’accès des étudiants de premier cycle à la documentation de base de leur discipline. Un système de licence nationale permettrait de sanctuariser ces achats et de soutenir l’égalité des chances ;

  • de réallouer au sein des bibliothèques des surfaces à d’autres destinations que le simple stockage en libre-accès de manuels de premier cycle en plusieurs exemplaires. Gains de linéaire pour des collections d’ouvrages (voire quand nécessaire de périodiques imprimés) de niveau recherche, réaffectation de mètres carrés pour la constitution d’espaces de travail en groupe, de carrels, de salles de formation ou de tutorat, … : les possibilités de réaménagement en fonction des situations locales sont nombreuses et permettraient d’améliorer la qualité de service proposée.

Responsabilisation des établissements

Préconisation n°3 : en s’appuyant sur l’ONES, œuvrer à faire émerger sous forme de licence nationale une offre documentaire électronique à destination du premier cycle, et réellement adaptée aux usages, afin de promouvoir l’égalité des chances, de responsabiliser les établissements dans leurs acquisitions en IST et de réaffecter au sein des services communs documentaires des surfaces et des locaux.

  • Signalement des collections ― Dans ce domaine, les promesses portées par les projets de l’ABES (hub de métadonnées, base de connaissance partagée BACON, SGBM) devraient permettre de répondre aux défis posés par l’irruption de l’Internet et de la documentation scientifique électronique. Reste que sur un plan opérationnel, la transition des systèmes actuels (SIGB locaux et SUDoc) vers le nouvel environnement nécessite un soutien affirmé de la part du MESR, tant au niveau de l’ABES que des sites ou des établissements8 : pendant une période que l’on peut raisonnablement estimer à dix ans, il faudra en effet continuer à faire fonctionner les systèmes actuels, locaux et nationaux, tout en travaillant à la mise en place du futur. Cette charge de travail, qui ne concernera pas tous les acteurs en même temps, ne pourra être absorbée sans des ressources humaines complémentaires pendant la période de transition. Il est important qu’une attention toute particulière soit portée sur ce point dans les contrats quinquennaux.

Par ailleurs, l’usager final des UMR doit sans cesse naviguer entre le portail proposé par le SCD local, et un ou plusieurs portails des organismes (quand ne s’ajoute pas de surcroît une base maison, gérée par le laboratoire). Il faut instruire au sein d’un groupe de travail national ad hoc les solutions technologiques et juridiques à même de régler ce problème ancien et récurrent.

Signalement des collections

Préconisation n°4 : – pour les établissements candidats à une réinformatisation dans le cadre défini par l’ABES, soutenir l’effort de transition par l’allocation de ressources humaines complémentaires pendant la durée du contrat quinquennal concerné ;

– mettre en place un groupe de travail national chargé de réfléchir à une simplification, pour les chercheurs, de l’accès à la documentation en ligne, éventuellement dans le cadre de BSN3.

2. Des services

  • Évaluation et pilotage de la recherche ― Ces deux fonctions s’appuient aujourd’hui sur deux types d’outils, articulés dans les offres commerciales des deux géants du secteur (Elsevier et Thomson Reuters), mais néanmoins distincts :

  • le premier type d’outil (Scopus et Web of Science), qui remplit des fonctions d’évaluation, consiste en des bases bibliographiques (recensement de la production scientifique mondiale) auxquelles on a adjoint des fonctionnalités métriques9 (analyse des citations : combien de fois un article est-il cité ? qui cite quoi ? qui cite la même chose que qui ? etc.) ;

  • le deuxième type d’outil, qui répond à des besoins de pilotage, et sur lequel se concentre aujourd’hui la stratégie industrielle et commerciale des mêmes acteurs dominants (Elsevier et Thomson Reuters, avec leurs offres SciVal et InCites) s’appuie sur le premier type d’outil précédemment décrit pour établir des cartographies de la recherche (analyse des réseaux et thématiques de recherche : qui travaille sur quoi ? avec qui ? en concurrence avec qui ? etc.).

Ces deux types d’outils (outils d’évaluation, et outils de pilotage) peuvent être utilisés avec des visées différentes par les décideurs et les communautés scientifiques, et cette distinction détermine largement les stratégies de mutualisation souhaitables et possibles aux niveaux local et national :

  • pour les décideurs (État, chefs d’établissement), les outils que l’on vient d’évoquer ont pour objectif la production d’indicateurs, de statistiques, de cartographies permettant de mesurer la performance du pays, de la COMUE, de l’établissement ou du laboratoire, de les situer dans un ensemble plus vaste, de fournir des comparaisons, de rationaliser l’action et les moyens. C’est dire qu’en ce domaine, une mutualisation au niveau national s’impose, et que pour des raisons stratégiques, elle ne saurait purement s’en remettre aux outils commerciaux existants : il en va de l’indépendance de la recherche. Avec leurs produits Web of Science et Scopus, Thomson Reuters et Elsevier ont en effet déjà accès à l’ensemble de la recherche publiée ; si InCites et SciVal s’imposaient comme les outils de référence, les deux géants du marché pourraient exploiter gratuitement en entrée les requêtes opérées sur leurs outils pour connaître finement et de manière très réactive la recherche en train de se faire. Et par ailleurs, en sortie, dans la mesure où les acteurs de l’ESR n’auraient pas, par définition, la main sur les algorithmes traitant les données sensibles ainsi collectées, InCites et SciVal se trouveraient en position d’orienter les programmes de recherche sans qu’il soit possible d’analyser jamais la construction des éléments sur lesquels ils s’appuient, ni de procéder à des analyses contradictoires. Du reste, aujourd’hui déjà, Elsevier ne cache pas que son produit SciVal privilégie dans ses analyses les données issues de son principal produit éditorial Science Direct. Les risques de conflits d’intérêts sont donc multiples, et à plusieurs niveaux. Pourquoi la puissance publique, qui finance la majeure partie de la recherche, doit garantir son indépendance dans l’accès et le traitement de ce type de données.

Il est donc impératif de parvenir à un haut niveau de mutualisation de ces fonctionnalités : actuellement l’OST exploite une base nationale constituée des données du Web of Science et à laquelle les établissements apportent une plus-value fondamentale en nettoyant les adresses des unités de recherche. Ce travail des établissements est fastidieux, et gagnerait à être mutualisé au niveau local, à travers par exemple la constitution de cellules scientométriques au sein des COMUE, regroupant professionnels de l’IST, directions de la recherche et bibliométriciens. Dans le même temps, les initiatives parallèles mais convergentes conduites par la BnF et l’ABES, et par BSN3 dans le cadre du projet CONDITOR, doivent être soutenues, encouragées et accélérées : l’objectif est d’assurer la maîtrise par la puissance publique de l’interopérabilité des référentiels de chercheurs et d’affiliations, pivots techniques clés pour assurer l’indépendance du système dans son ensemble (et qui en outre à moyen terme permettront de réduire le temps passé au nettoyage d’adresses).

Enfin, la cotisation payée par les établissements au titre du GIP OST est coûteuse, et sans contrepartie équilibrée : les établissements procèdent au nettoyage des adresses de leurs unités, et si l’OST leur fournit en retour des indicateurs, les établissements n’ont en revanche pas accès à la base nationale (d’où aussi des redondances de tâches, lorsqu’il s’agit de nettoyer les adresses d’unités mixtes : le travail est fait plusieurs fois et consolidé par l’OST). Mieux rentabiliser les efforts fournis et le temps passé par chacun dans ce domaine implique l’acquisition en licence nationale, par exemple dans le cadre d’ISTEX, du Web of Science (et, si la position d’Elsevier évoluait quant aux modalités de commercialisation de son produit, également de la base Scopus), et l’accès gratuit des établissements à la base nationale de l’OST (une contrepartie suffisante étant par eux fournie à travers le nettoyage des adresses et, à terme, le maintien des référentiels qui doivent permettre d’alléger cette tâche : c’est en effet le travail fourni par les établissements qui constitue la principale plus-value de la base nationale de l’OST par rapport au Web of Science)10 ;

  • pour les communautés scientifiques, les outils d’évaluation et de pilotage de la recherche remplissent essentiellement des fonctions de veille : il s’agit d’établir des cartographies des réseaux scientifiques formels et informels intéressant l’unité de recherche, par l’analyse des signaux faibles, des citations, cocitations, etc., afin de repérer les acteurs émergents pour certaines thématiques ou angles d’attaque particuliers, les orientations ou réorientations des programmes de recherche, etc. Ce type d’études, conduites à façon au plus près des unités de recherche, ont un caractère stratégique marqué : aussi n’est-il pas envisageable de les externaliser à quelque niveau que ce soit. L’on peut en revanche, au niveau des sites, imaginer d’en confier la réalisation aux cellules scientométriques évoquées précédemment, qui dans ces fonctions s’appuieraient sur le réseau des professionnels de l’IST des établissements (documentalistes des laboratoires inclus) et assureraient le support et la coordination de ces activités pour l’ensemble de la COMUE. Dans ce travail, ces cellules scientométriques bénéficieraient de l’accès à la base de l’OST, à HAL, aux publications acquises dans le cadre d’ISTEX, etc., qu’il s’agirait de fouiller selon les techniques du text and data mining (TDM) : c’est tout d’abord supposer que la loi vienne sécuriser juridiquement cette pratique, sans contrepartie financière11 ; c’est ensuite garantir la possibilité aux établissements d’accéder aux outils pertinents. Il en existe d’autres que ce que proposent Elsevier et Thomson Reuters, et français, et moins coûteux, (Matheo Analyzer, Matheo Patent, Technometrix, Intellixir, …), mais dont certains gagneraient néanmoins à voir leur acquisition mutualisée au niveau des COMUE (Intellixir par exemple)12. Ces systèmes permettraient, à tous les niveaux (OST, établissements, COMUE, CVT, SATT, …), d’obtenir des analyses au moins aussi satisfaisantes que celles proposées à prix d’or par Elsevier et Thomson Reuters, tout en garantissant pour le donneur d’ordres la confidentialité de ces informations sensibles, et une véritable indépendance.

Évaluation et pilotage de la recherche

Préconisation n°5 : – au niveau national : introduire dans la législation une exception (sans compensation financière) au droit de la propriété intellectuelle, pour le text and data mining ; acquérir en licence nationale, dans la cadre d’ISTEX, le Web of Science et si possible Scopus ; mettre à disposition des établissements, pour interrogation, analyse et fouille, la base nationale de l’OST, à titre gracieux ; soutenir les travaux en cours de la BnF, de l’ABES et de BSN3 (projet CONDITOR) pour assurer l’interopérabilité des référentiels de chercheurs et d’affiliations ;

– au niveau des établissements : encourager, par la politique contractuelle, la mutualisation des énergies, des compétences et des outils, dans le cadre de la création de cellules scientométriques au niveau des sites (ou au niveau national de l’établissement pour les organismes de recherche). Ces cellules seraient en charge 1. d’une mission de collaboration avec l’OST, autour de l’enrichissement de la base nationale de l’Observatoire, et de la mise à jour du référentiel national des affiliations (à un niveau très fin) 2. de la fourniture à façon, au niveau du site, de l’établissement, de l’unité de recherche, d’études de veille stratégique pour les communautés de recherche.

  • Archives ouvertes ─ La nécessité d’une politique nationale plus affirmée en la matière découle des lignes précédentes : certes le dépôt systématique en archives ouvertes peut contribuer à rééquilibrer le rapport de force avec les géants de l’édition académique, aujourd’hui très défavorable aux institutions d’enseignement et de recherche ; mais surtout il doit permettre d’éviter que ne se constitue le même type de monopole pour ce qui est de l’évaluation et du pilotage de la recherche, domaine bien plus sensible et d’une tout autre importance stratégique. C’est pourquoi l’adoption par la France de mesures analogues à celles prises par les États-Unis, l’Allemagne, ou l’Europe dans le cadre du programme Horizon 2020, constitue une absolue et urgente nécessité : elle permettrait de sécuriser juridiquement les dépôts, et, en les systématisant, garantirait au-delà des programmes ISTEX et Licences nationales la poursuite de l’alimentation d’une base au moins nationale (internationale par moissonnage des autres dépôts) indispensable aux décideurs comme à la veille stratégique des communautés de recherche.

Peu importe que ce dépôt obligatoire s’effectue dans HAL ou dans des archives institutionnelles, par exemple mis en place par les COMUE ou les organismes de recherche, pourvu que HAL puisse récupérer les données de ces dépôts.

Au niveau des COMUE, c’est un travail essentiel de sensibilisation et d’accompagnement juridique et technique des communautés qui serait à conduire, et à soutenir dans les politiques contractuelles, par l’octroi de ressources humaines mutualisables au niveau du site.

Archives ouvertes

Préconisation n°6 : instaurer le dépôt obligatoire en archives ouvertes (green open access) des publications scientifiques financées sur fonds publics, avec des périodes d’embargo les plus faibles possibles (12 mois maximum pour les SHS et 6 mois pour les STM, comme dans Horizon 2020, semble une solution adaptée).

Au niveau des COMUE, disposer de ressources humaines (mutualisables au niveau du site) pour la sensibilisation et l’accompagnement des déposants.

  • Thèses ─ La thèse constitue une publication scientifique à part entière, qui fait l’objet d’un dépôt dans les conditions définies par l’arrêté du 7 août 2006 relatif aux modalités de dépôt, de signalement, de reproduction, de diffusion et de conservation des thèses ou des travaux présentés en soutenance en vue du doctorat. Comme pour les articles scientifiques, la diffusion des thèses doit être systématiquement recherchée et favorisée, dans la limite des contraintes réglementaires qui l’encadrent (respect du droit d’auteur, nécessité de confidentialité de tout ou partie des éléments constitutifs, etc.) : au-delà de son intérêt académique, c’est un type de document très prisé dans certains secteurs économiques, car riche d’enseignement quant aux résultats négatifs de la science. Paradoxalement, l’arrivée du numérique a contribué à complexifier le paysage là où il aurait dû le simplifier : d’un support unique de diffusion (imprimé), puis double (imprimé et microforme), l’on est ainsi passé à trois supports de diffusion (imprimé, microforme et électronique), sans qu’une diffusion unifiée de l’ensemble des thèses existantes n’ait pour autant été rendue possible. L’usager ne peut qu’être perdu :

  • les thèses les plus anciennes (antérieures à 1986) sont consultables dans l’enceinte des établissements de soutenance, uniquement sous forme imprimée ;

  • les thèses postérieures sont consultables dans tous les établissements d’enseignement supérieur, sur microforme et/ou sous forme imprimée ;

  • les thèses postérieures à l’arrêté du 7 août 2006 sont progressivement consultables au format électronique, en intranet ou sur l’Internet, sans qu’une règle contraignante unique n’ait été imposée aux établissements délivrant le doctorat : dans les faits, imprimé et électronique, voire microforme, cohabitent.

Pourtant, le mode de diffusion électronique sur l’Internet constitue un net progrès par rapport aux supports imprimé et microforme : la diffusion de la thèse est plus systématique, plus large et plus rapide. S’il implique de recueillir le consentement formel de l’auteur, ce mode de diffusion est beaucoup plus adapté aux usages et besoins (en termes de text and data mining notamment) d’aujourd’hui (la microforme étant quant à elle totalement délaissée par des usagers habitués à un tout autre confort de lecture).

Thèses

Préconisation n°7 : – modifier l’arrêté de 2006 pour imposer le seul dépôt électronique pour les thèses nouvellement soutenues ;

– abandonner la microfiche comme support de diffusion : dans les faits, ce support n’est plus usité aujourd’hui dans les établissements ;

– mettre en place un schéma global d’archivage pérenne des thèses, qu’il soit mixte (analogique/électronique) ou exclusif en termes de support ;

– partant, clarifier et repositionner les missions des acteurs concernés (ANRT, CINES, ABES).

– à la faveur de la transposition en France de la directive européenne sur les œuvres orphelines, expertiser ce que cette nouvelle donne juridique peut changer aux verrous existants en matière de numérisation rétrospective des thèses.

  • Données primaires de la recherche ─ En la matière, les COMUE n’apparaissent pas comme les opérateurs techniques à privilégier : les investissements en jeu excèdent généralement leurs capacités financières. En revanche, la mutualisation de ressources humaines allouées à leur niveau pour ce type de projet apparaît indispensable afin d’accompagner les communautés de recherche dans l’expertise de leurs besoins, la formalisation de leurs data management plans, et l’adoption des meilleures solutions techniques et scientifiques.

Cet accompagnement suppose une montée en compétence de la communauté des professionnels de l’IST, quelle que soit leur filière (bibliothèques, ITRF, etc.) et/ou le recours à des profils d’archivistes (capables de prendre en outre en charge la gestion des archives scientifiques, sous formats analogique ou numérique).

D’une manière générale, ce schéma d’organisation (infrastructures techniques mutualisées au niveau national, accompagnement des communautés de recherche confié au niveau local) vaut pour un grand nombre de dossiers relatifs à l’IST (on pourrait par exemple citer celui de la conservation numérique pérenne, actuellement partagé entre la BnF et le CINES, mais pour lequel une expertise locale est nécessaire sur le plan technique).

Données primaires de la recherche

Préconisation n°8 : pour les données de la recherche comme pour d’autres dossiers (conservation numérique pérenne par exemple), mutualiser, quant cela est pertinent, les infrastructures à un niveau national, et confier au niveau local d’une part la mise en œuvre de projets à dimension régionale ou locale, d’autre part, l’accompagnement scientifique, technique et juridique des communautés de recherche, via l’allocation de ressources humaines mutualisées au niveau des sites. A minima, il conviendrait de former les professionnels de l’IST et de les intégrer officiellement dans la chaîne de traitement des données.

3. Quels leviers ?

Faire travailler des acteurs entre eux ne va jamais de soi : la collaboration et la mutualisation ne sont pas des mouvements naturels. Elles nécessitent des incitations voire des contraintes pour avancer et aboutir. Si l’État souhaite jouer dans le domaine de l’IST son rôle de pilote et de stratège, il ne pourra donc faire l’économie de leviers plus puissants que ceux actuellement mobilisés.

  • Contractualisation ― Le temps est on le sait aux économies. Ce qui suppose, si l’on ne souhaite pas paralyser l’action publique, de définir des priorités. Si l’IST, parce qu’elle est au cœur des transformations introduites par le numérique dans la manière de faire de la science13, et donc stratégique pour la compétitivité de notre recherche, constitue bien pour le MESR une de ces priorités, aucun progrès ne pourra être enregistré dans ce domaine sans une allocation de moyens supplémentaires. Il convient de le redire : bons élèves, les services documentaires de l’ESR sont traditionnellement bien gérés. Ils ont beaucoup rationalisé leur activité au cours des quinze dernière années, ne serait-ce que pour atténuer les effets de la hausse soutenue des coûts d’abonnements aux ressources électroniques de niveau recherche, et faire face, à moyens constants en ressources humaines, à la multiplication de leurs activités (notamment du fait de l’assomption du numérique sans que les supports analogiques ne disparaissent pour autant) et à des extensions d’horaires d’ouverture conséquentes. L’actuelle contraction budgétaire les trouve donc exsangues, et sans marge de manœuvre. Les gains à attendre de la mutualisation sont réels, mais touchant à des champs d’intervention nouveaux, ils ne peuvent s’adosser aux dotations existantes, qui suffisent à peine. On ne coupera donc pas à une augmentation des moyens dévolus à la fonction documentaire. Le modèle SYMPA étant difficilement ajustable, la principale marge de manœuvre réside dans la part sur projets des contrats quinquennaux, part qui doit être abondée pour permettre la mise en place de projets IST. Afin d’éviter des captations de postes et de crédits contre-productives, dans une période où les établissements préféreront toujours équilibrer leur budget par des coups de rabot opportunistes plutôt que par des réformes de structure plus délicates, les crédits accordés sur projets à la fonction documentaire doivent être traçables de bout en bout, et pluriannuels, comme le sont ceux des contrats de recherche : l’article L711-1 du Code de l’éducation le permet, qui prévoit bien l’existence dans les contrats d’un volet documentaire14.

Levier 1 : contractualisation

Préconisation n°9 : renforcer le rôle de pilote et de stratège de l’État dans les volets documentaires des politiques de contractualisation (qui doivent être clairement identifiés dans les contrats), par la mobilisation de moyens financiers et en personnels plus conséquents (sur la part sur projets des contrats), et la traçabilité de bout en bout de ces moyens supplémentaires, sur le modèle du financement (pluriannuel) des contrats de recherche.

  • Gouvernance ― En outre, les politiques contractuelles doivent impérativement mieux articuler les logiques et les tempos, fatalement orthogonaux, des sites et des organismes : la multiplication des portails d’accès aux ressources en ligne (thématiques pour l’INIST, interdisciplinaires dans les BU), qui désoriente les chercheurs, constitue l’exemple-type de ce qu’il faut veiller à ne pas reproduire.

Une modification de la réglementation pourrait y aider : il s’agirait de confier au Conseil académique des COMUE, où seraient dûment représentés la fonction documentation et IST (représentants émanant tant des services documentaires des EPSCP que des organismes de recherche), la mission de piloter l’élaboration et la mise en œuvre du volet documentaire du contrat quinquennal, aux fins d’ordonnancer l’inévitable « bal des egos » inhérent aux échanges entre établissements dans le cadre du processus contractuel.

Levier 2 : gouvernance

Préconisation n°10 : ajuster la loi et confier aux Conseils académiques des COMUE, où seraient dûment représentés la fonction documentation et IST (représentants émanant tant des services documentaires des EPSCP que des organismes de recherche), le pilotage de l’élaboration et de la mise en œuvre du volet documentaire du contrat quinquennal.

  • Formation ― Les défis posés par l’IST nécessitent un fort accompagnement des professionnels en poste. Le réseau des organismes de formation à même de soutenir et catalyser les changements en cours est solide et structuré (INTD, enssib, CFCB, URFIST, ENC). Il gagnerait à voir renforcés, au niveau des formations initiale et continue, ses programmes dans les domaines de la conduite du changement et des évolutions actuelles de l’IST (gestion des données de la recherche, édition scientifique, scientométrie, veille scientifique experte, archives ouvertes, web de données, analyse automatisé du langage, techniques de text and data mining, conception et manipulation de terminologies, d’ontologies, conservation numérique pérenne, droit de l’information et de la propriété intellectuelle à l’ère du numérique, etc.). Là encore, l’action de l’État peut être déterminante, et la coordination des initiatives gagnerait à faire l’objet d’un plan national.

Levier 3 : formation

Préconisation n°11 : dans le cadre d’un plan national, renforcer la place des formations à l’IST et à la conduite du changement dans les programmes des organismes en charge de la formation initiale et continue des professionnels de la documentation.

1Comme en témoignent déjà les programmes BSN, ISTEX, Licences nationales.

2On peut également imaginer que les bibliothèques abritant des fonds éligibles au titre du programme COLLEX, voire toutes les bibliothèques de l’ESR, aient accès à des fins exclusivement non commerciales au Dépôt légal du Web mis en œuvre par la BnF depuis 2006 (juridiquement, cet accès n’est aujourd’hui autorisé que dans l’emprise de la BnF et dans les BDLI – bibliothèques du Dépôt légal imprimeur) : la loi DADVSI gagnerait à être toilettée en ce sens, afin de promouvoir et faciliter l’accès des chercheurs à cette source aujourd’hui fondamentale dans bien des domaines scientifiques.

3Comment rétribuer ? On pourrait imaginer qu’en contrepartie des coûts de numérisation supportés par le secteur public, rien ne soit payé jusqu’à un seuil déterminé de nombre de téléchargements. Au delà de ces 10, 20, 50, ou autre, téléchargements (ce qui permettrait de gérer facilement la longue traîne, non rentable pour des acteurs autres que globaux), les ayants droit seraient rétribués par le pay-per-view des établissements de l’ESR, sur le modèle des patron driven acquisitions d’achats de ebooks.

4Le décret n°2011-996 du 23 août 2011 relatif aux bibliothèques et autres structures de documentation des établissements d’enseignement supérieur créées sous forme de services communs stipule ainsi dans son article 4 : “Toute bibliothèques ou tout centre de documentation de l’université a vocation à être intégré dans un service commun.” Ce qui n’empêche pas, encore, l’existence ou la tentation de BUFR.

5Traditionnellement en effet, ces personnels étaient affectés à la gestion de bibliothèques physiques et/ou au dépouillement de revues en vue d’effectuer un signalement au niveau des articles. Le numérique a généralement entraîné la disparition ou la forte diminution de ces activités. A la place, les personnels en poste, souvent isolés, se sont vus confier des dossiers excédant leurs capacités d’instruction, que la gestion de ces dossiers nécessite un accompagnement professionnel et une montée en compétences, et/ou, le plus souvent, une mobilisation bien plus conséquente de ressources humaines, et/ou une forte mutualisation.

7Une offre adaptée aux usages observés chez les étudiants de premier cycle consisterait probablement en ouvrages homothétiques de l’écrit, proposés en streaming (à la fois parce que ce mode de diffusion garantit les ayants droit contre tout risque de dissémination indue des contenus, et parce quil correspond aux usages nomades des étudiants daujourdhui, et aux progrès des possibilités techniques offertes par les connexions sans fil WiFi généralisé des campus, déploiement de la 4G. Le principal obstacle tient à la forte réticence des ayants droit, pour qui le marché des premiers cycles universitaires est un élément essentiel de leur équilibre commercial : des expérimentations pourraient être conduites, dans une logique de démonstrateur, sur quelques sites pilotes, avec le soutien de lONES, afin de mesurer limpact dune telle offre électronique sur le marché des achats dimprimés en librairie. Lintuition de lADBU, tirée de lobservation des usages estudiantins, est quen la matière les offres électronique et imprimée se compléteraient plutôt quelles nentreraient en concurrence.

8Niveau des sites ou des établissements : il y a à éclaircir rapidement ce point. Le choix d’un dialogue compétitif multi-attributaire pour le choix des SGBM locaux n’implique nullement que les établissements d’une même COMUE choisissent le même outil. Il est même possible sinon probable que le processus d’achat tel qu’envisagé actuellement aboutisse plutôt à des sortes de clubs d’utilisateurs nationaux dont les membres seront répartis sur le territoire. Ce n’est peut-être pas une difficulté mais si ce n’est pas ce que l’on souhaite, il y a à réfléchir aux processus à même d’aboutir à des mutualisations d’outils inter-COMUE.

9On parle ainsi de bibliométrie. La scientométrie inclut quant à elle d’autres types de données, par exemple les publications de brevets.

10La possibilité de travailler sur des corpus de lampleur dISTEX, de HAL, et de la base de lOST, particulièrement si lon croise leur données, permettrait également de favoriser la recherche sur des métriques alternatives, prenant en compte les critiques souvent émises à lencontre du système actuel d’évaluation de la recherche (place des SHS, biais divers, interminables discussions quant à la structuration optimale des adresses, mono- ou multilignes, inversion de la logique commune qui voudrait que la valeur dune revue dépende de la qualité des articles quelle publie, au lieu quactuellement, cest limpact factor de la revue qui détermine la valeur dun article) : cf.http://altmetrics.org/manifesto/ 

11L’ADBU et Couperin ont clairement pris position sur cette question suite à leur audition conjointe au CSPLA : http://adbu.fr/actualites/audition-au-cspla/

12Autre piste : inclure, si possible, ces besoins logiciels dans la partie d’ISTEX issue des réflexions de BSN2. C’est alors le niveau national qui répondrait en tout ou partie aux besoins dans ce domaine, et non la mutualisation au niveau des sites. A noter par ailleurs qu’Intellixir est déjà mutualisé au niveau des SATT.

13Cest tout le thème de la e-science, et notamment de la data driven science : voir http://blog.educpros.fr/christophe-perales/2014/04/10/e-science-is-there-a-french-word-for-it/

14« Les activités de formation, de recherche et de documentation des établissements font l’objet de contrats pluriannuels d’établissement dans le cadre de la carte des formations supérieures définie à l’article L. 614-3. » [cest nous qui soulignons]

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Discours d’Alain Abécassis  – Jeudi 4 septembre 2014, 44ème congrès de l’ADBU
 
Mesdames et Messieurs,
Je suis d’abord chargé de vous transmettre le message de regret de la Ministre de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, de la Secrétaire d’Etat à l’enseignement supérieur et à la Recherche. Les deux Ministres n’ont pas pu se libérer pour vous manifester personnellement l’intérêt et l’attention qu’elles portent à vos travaux. Elles avaient chargé la Directrice générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle et le Directeur général de la recherche et de l’innovation de porter auprès de vous la parole du ministère. Les deux Directeurs généraux, eux aussi empêchés, m’ont demandé de les représenter. Si bien qu’en cascade, la représentation du Ministère de l’Education nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche m’échoit – et j’en suis très heureux. Heureux de vous retrouver, après Le Havre, à Strasbourg, l’emblème des transformations que connaît le paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche en France, à la veille de l’ouverture imminente de la BNUS ; à Strasbourg qui a fait de la politique documentaire l’élément structurant de son contrat de site.
J’ai écouté avec beaucoup d’attention et d’intérêt tous les échanges de la matinée, sur « le droit à l’épreuve des évolutions de l’IST et des besoins de la science », les éclairages européens passionnants apportés par Catherine Trautmann et Alain Beretz. Difficile d’intervenir après Alain Bensoussan, quand on n’est pas un spécialiste, sur des questions particulièrement complexes, dans un contexte rapidement évolutif ; sur des questions qui appellent des réponses à la fois interministérielles et internationales, qu’il serait suicidaire de ma part d’essayer d’improviser devant vous ! J’ai bien entendu les attentes de tous ordres exprimées à l’égard des pouvoirs publics, l’interpellation des politiques, nationaux et européens, et nous allons étudier de manière très approfondie toutes les propositions et pistes que vous avez évoquées. Vous pouvez évidemment être assurés du soutien et de la mobilisation du Ministère pour répondre aux besoins de la science – et soutenir la part que prend à leur satisfaction l’information scientifique et technique. J’ai bien entendu aussi que votre souhait – et notre ambition commune -, n’est pas de remettre en cause le droit de la propriété intellectuelle ou d’inventer le droit de l’open science, comme nous y invite Alain Bensoussan – en tout cas pas tout de suite ! Il nous faut dans l’immédiat, plus modestement, plus pragmatiquement, assurer la sécurité juridique d’un « droit d’exploitation scientifique et pédagogique des contenus acquis », indispensable pour que se déploie la créativité et, tout simplement, l’activité de la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche, à l’heure du numérique, dans les pratiques pédagogiques, de recherche et d’innovation.
Mon propos sera plus large et plus bref, pour laisser la place, comme m’y a invité votre président, à un échange avec vous avant que lui-même ne présente ses conclusions.
Depuis Le Havre, il y a un an, nous avons eu des rencontres régulières ; traduisant une mobilisation forte autour de la documentation et de l’IST, qui a eu une actualité très riche.
Une réflexion a été menée depuis plusieurs mois, en réponse à l’invitation que je m’étais permis de vous adresser lors de cette première rencontre, sur « l’IST et la politique de site ». Cette réflexion a été conduite en commun entre l’ADBU et l’EPRIST et elle a abouti à un document  « Politique de l’IST : quelle articulation entre politique nationale et politiques de site ? », que vous m’avez envoyé juste avant les vacances – et qui va très au-delà du sujet initial.
Sans vous flatter ni caricaturer à l’excès, il propose un programme pour la politique de l’IST pour les 10 prochaines années ! Et c’est un programme élaboré en commun par les professionnels de l’IST et de la documentation des universités et des organismes, inspiré par la culture de leurs métiers et leur ambition, également communes, de rapprocher les pratiques des universités et celles des organismes de recherche. C’est un programme inspiré par une spécificité qui est la vôtre, et que j’avais rappelée l’an dernier, de savoir concilier, mieux que beaucoup d’autres acteurs de l’ESR, avec la même intensité et la même efficacité, une logique de réseau professionnel et une logique de site, qui s’incarne dans un lieu physique, la bibliothèque.
Je mentirais en disant que les équipes de la DISTRD y ont travaillé tout l’été… Non pas parce qu’elles étaient en vacances, mais, avec certains d’entre vous, à Lyon, pour la grande rencontre de l’IFLA, qui a rassemblé plus de 4000 professionnels des bibliothèques venus du monde entier !
Nous allons, comme vous l’avez proposé, organiser une rencontre dès après votre congrès, pour étudier ce document, dont je veux souligner la qualité et l’ambition, et pour lequel je veux publiquement remercier et féliciter tous ceux qui ont pris part à son élaboration. D’ores et déjà, je peux vous dire qu’il alimente la blogosphère interne à la DISTRD, dont j’ai la chance de pouvoir recueillir quelques échos !
Sur bien des points, vos réflexions rejoignent celles qui président à la politique du ministère. Sur d’autres, vous ouvrez des pistes nouvelles et stimulantes. Sur d’autres encore, il peut y avoir des débats, des interrogations, des désaccords. Nous en parlerons très librement.
Je voudrais, sans attendre notre rencontre, vous inviter à diffuser largement votre document, puisque vous avez eu la courtoisie et la gentillesse de m’en réserver la primeur. Au sein de l’ADBU et de l’EPRIST, bien sûr, pour l’enrichir de toutes les observations de vos collègues, mais aussi auprès des chefs d’établissements, universités, organismes, auprès des différentes communautés scientifiques et pédagogiques. Parce que tous les enjeux dont vous êtes porteurs doivent être partagés par l’ensemble des acteurs de l’ESR et qu’ils ne sont pas seulement l’affaire des spécialistes de la documentation. Ils sont au service et au fondement des missions de formation et de recherche. Et Catherine Trautmann a rappelé que les enjeux étaient largement politiques et dépassaient de beaucoup le seul cadre de l’enseignement supérieur et de la recherche !
Quelques premières réactions que m’a inspirées sa lecture :
Les politiques de site en matière d’IST, c’est d’abord la mettre au service de la réussite des étudiants, comme le rappelle dans ses objectifs la loi du 22 juillet 2013.

  • Ouverture et places dans les BU
  • Qualité et ergonomie des espaces
  • Concilier la politique de site, au sens de la loi du 22 juillet 2013 avec la notion plus familière, plus ancienne, de site de proximité, où la qualité de service apportée aux étudiants doit faire l’objet des mêmes attentions et correspondre au même niveau que dans les métropoles les plus prestigieuses
  • Associées à l’initiative de Sophie Béjean, présidente du comité de pilotage, aux travaux expérimentaux sur le projet CERES, de caractérisation des établissements de recherche et d’enseignement supérieur inspiré de U-Multirank, les organisations étudiantes ont tenu à compléter les critères retenus pour U-Multirank par des indicateurs concernant la qualité de l’environnement et des bibliothèques, déterminants pour la réussite des étudiants.

 
Cela passe aussi par la place de la documentation dans la pédagogie :

  • Les « learning centers » ont l’air d’être passés de mode, ou de se réduire à un projet immobilier : il faut en retenir, d’abord et surtout, l’objectif de coopération entre la fonction de documentation et la pédagogie, et cet objectif demeure d’actualité, plus que jamais, quelle que soit sa traduction immobilière.
  • Production et acquisition de ressources numériques pour l’enseignement, en favorisant l’émergence d’une offre éditoriale en français. Il n’y a aucune raison qui justifie ou excuse le retard français en la matière, par rapport à d’autres pays. Nous n’avons pas moins d’atouts que d’autres Il faut intensifier le rapprochement entre les éditeurs, les enseignants et les bibliothécaires à partir de la plateforme d’échange appréciée par les éditeurs qui est l’Observatoire numérique de l’enseignement supérieur (ONES) basée à l’ENSSIB. Parmi les pistes de travail actuellement en discussion, on pourrait identifier les 100 titres les plus empruntés par les étudiants en L afin de constituer un premier corpus prioritaire pour une offre numérique ; identifier les exemples de réussite en matière d’intégration de la dimension documentaire dans les formations, parmi les IDEFI ou en s’appuyant sur le rapport de l’IGB « Documentation et formation : bilan des initiatives », attendu pour cet automne ; définir les conditions et les modalités de déploiement d’une offre numérique, pourquoi pas en mobilisant une nouvelle étape du programme des Investissements d’avenir.

 
Inscrire la stratégie documentaire du site dans la politique du site : le rôle du conseil académique dans ce domaine peut être d’ores déjà établi sans attendre une modification de la loi que vous proposez. Il suffit de volontarisme pour inscrire ce point à l’ordre du jour des conseils académiques, et cela pourrait passer par une rencontre de l’ADBU avec les présidents de COMUE, dont le MENESR est prêt à faciliter l’organisation, si nécessaire. Ne pas négliger la cohérence des systèmes d’information et de gestion de la documentation (rôle de l’ABES en la matière), pour aider à la structuration et à la fluidité des échanges entre les acteurs d’un site.
Il faut renforcer la spécialisation des sites, en particulier en matière de recherche – mais cela vaut aussi en formation : tous les établissements, quelle que soit leur taille, peuvent être excellents, en recherche comme en formation, mais tous ne peuvent pas être excellents en tout ! Alain Fuchs, Guy Cathelineau et Yves Lévy l’ont rappelé la semaine dernière devant les VP Recherche qui avaient, eux aussi, choisi de se réunir à Strasbourg. C’est là que la démarche d’une cartographie de l’offre documentaire que vous suggérez prend tout son sens. C’est la démarche Collex, qui prend le relais de la politique des CADIST. Pour ne pas tout le temps citer Strasbourg, je prendrai l’exemple de la bibliothèque de l’INRIA de Rocquencourt à Saclay ; ou l’ambition formidable du projet Condorcet, qui, au-delà de Paris et de l’Ile de France, constituera « un navire amiral », national et international, en matière de sciences humaines et sociales.
Le grand principe qui préside à la politique de site – et qui rend si difficile d’en faire une politique nationale ! – c’est que chaque politique de site est singulière, et que ce sont les acteurs de chaque site qui la décident – et vous qui les conseillez et les inspirez. L’Etat, au mieux, peut accompagner, soutenir, faciliter la mise en œuvre, lever des blocages. Par exemple, la politique documentaire de site à Strasbourg n’est pas la même que celle que nous allons devoir définir et mettre en œuvre dans Paris intra muros pour les BIU, à partir des recommandations de l’IGB. Le sujet est tellement complexe qu’il n’était pas possible de l’ouvrir dans le cadre des contrats de site au printemps dernier, au moment même où se mettaient en place les COMUE – ce qui n’était pas simple non plus. Mais le chantier est nécessaire, et il est devant nous !
L’intervention du Ministère ne se limite pas à accompagner les initiatives des acteurs sur les sites ; à les mettre en cohérence entre elles quand, par exception, cela ne se réalise pas spontanément. Vous l’avez rappelé. Il y a l’attente d’une politique nationale forte. Nous nous efforçons d’inciter aux mutualisations à l’échelle nationale – voire internationale –, de leur donner un cadre juridique et institutionnel qui leur permette de se déployer efficacement et sûrement, de leur apporter l’orientation, l’impulsion et l’autorité politiques qui facilitent les initiatives de tous et de chacun.
Ainsi le 24 janvier 2013 dans sa déclaration, lors de journées organisées par Couperin sur la position de la France en faveur de l’open access, Geneviève Fioraso a exprimé la volonté de la France de s’inscrire dans le paysage européen et international et d’accompagner des choix différenciés en matière de mode de publications, que ce soit via l’open access ou via l’édition classique. Elle l’a fait au moment où la convention fondatrice de Hal allait être signée, offrant ainsi une garantie d’accueil d’archives ouvertes nationales.
Le 10 mars 2014, la ministre a exposé à l’Académie des Sciences, via un courrier, les 3 avancées faites ces deux dernières années par la France dans ce domaine de l’IST. Cette démarche répond à l’intérêt porté par l’Académie des Sciences à l’IST, à son souci qu’une offre riche soit mise à la disposition des scientifiques, que la qualité des publications soit garantie, que les enjeux de la diffusion des connaissance soient pris en compte, comme ceux de l’évaluation des activités et des acteurs de la recherche. L’Académie des Sciences devrait prochainement publier un rapport sur le sujet.
Ces trois avancées sont :

  • la convention HAL, sur une politique d’archives publiques ouvertes ;
  • le projet ISTEX soutenu par le programme des Investissements d’avenir,
  • la mise en œuvre d’une licence nationale avec l’un des principaux groupes d’édition scientifique mondiaux, Elsevier.

Je suis heureux de rendre public, à l’occasion du Congrès de l’ADBU, avec leur autorisation, l’échange de courriers entre la Ministre et le Président de l’Académie des Sciences – et je les remettrai à votre Président pour que ces courriers figurent sur le site de l’ADBU.
Je ne détaillerai pas chacune de ces trois avancées ; vous les connaissez mieux que moi – j’ai déjà été trop long et je pourrai répondre à vos questions si vous souhaitez des précisions sur chacune d’entre elles.
Je voudrais terminer sur deux commentaires :

  • Ensemble, ces trois avancées témoignent que notre pays est prêt à s’adapter aux équilibres encore très incertains entre les différents modèles d’édition scientifique bouleversée par le numérique entre lesquels le monde international de la recherche hésite, et dont personne n’est capable aujourd’hui de prédire lequel va prévaloir. La France, même si tout le monde scientifique ne le sait pas, est présente, à un bon niveau, sur chacun des modèles. Ils vont durablement co-exister. Nous devons leur offrir le cadre juridique qui à la fois les sécurise et leur permette d’évoluer dans leurs équilibres. La France, qui vient de progresser dans le classement des Etats numériques, progresserait sans doute encore davantage si elle rendait plus lisibles les développements qu’elle a engagés en matière d’open access, et les garanties juridiques dont elle les entoure ;
  • Ces trois avancées nous ont occupés tout au long de l’année : ce n’est pas un pluriel de majesté qui s’appliquerait aux équipes du Ministère. C’est le fruit d’une coopération quotidienne et resserrée, d’une solidarité sans faille et d’une complémentarité nécessaire, entre les équipes de l’ABES, de Couperin, de l’INIST et du Ministère.

 
Sans l’appui politique du Ministère, des dirigeants des organismes de recherche, des Présidents d’universités rassemblés par la CPU, ces avancées n’auraient pas été décidées. Sans les compétences et l’engagement de Jérôme Kalfon, de Grégory Colcanap, de Renaud Fabre, de Raymond Bérard, de Jean-Pierre Finance – et de toutes les équipes mobilisées autour d’eux (mention spéciale pour Christine Weil-Miko, pour Carole Melzac, pour Sandrine Malotaux et pour Marie-Pascale Lizée, qui ont été les chevilles ouvrières de tous ces travaux), ces avancées n’auraient pas été réalisées. Mais sans les contributions que vous, les professionnels des bibliothèques et de l’information scientifique et technique, vous portez et faites partager à la communauté de l’ESR depuis de nombreuses années, ces avancées n’auraient même pas été imaginées !
Je vous remercie.
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PDF de la lettre  de Philippe Taquet, président de l’Académie des sciences à la ministre Geneviève Fioraso.
 
 

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