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Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche

Contribution de l’ADBU

10 octobre 2012

 

 

 

L’Association des Directeurs et personnels de direction des Bibliothèques Universitaires et de la documentation (ADBU) souhaite contribuer aux Assises de l’enseignement supérieur et de la recherche et apporter au Comité de pilotage un éclairage et un ensemble de propositions visant à participer activement et utilement à la réflexion souhaitée par Madame la Ministre même si l’ADBU regrette vivement de n’avoir pas pu être auditionnée.

 

De fait, à la lecture des synthèses d’entretiens déjà diffusées, la documentation universitaire est presque absente des auditions réalisées en août et septembre. Cela nous semble d’autant plus regrettable, que l’information scientifique et technique constitue l’une des principales missions assignées aux établissements d’enseignement supérieur (articles L711-1 et L123-3) du Code de l’éducation. La maîtrise de l’information au sein des universités et des grands établissements de recherche demeure un enjeu important dans la définition de la stratégie des établissements tant au titre de la réussite des étudiants que du rayonnement de la recherche. Ce document constitue la contribution de l’ADBU aux réflexions portées actuellement par les différents acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche.  Il en respecte le cadre de réflexion, en abordant les trois grands thèmes des assises. Ces réflexions et propositions ont été nourries d’un travail mené régulièrement par les membres de nos commissions permanentes, mises en place pour accompagner les évolutions et mutations du paysage universitaire français.

 

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Agir pour la réussite de tous les étudiants : favoriser la réussite par une meilleure intégration de la documentation dans la pédagogie universitaire.

 

 

La fonction documentaire au sein des établissements d’enseignement supérieur, au-delà de la fourniture de documents et de l’organisation des accès à la documentation sur place ou à distance, développe un travail au côté des équipes pédagogiques. Les services de  documentation offrent un appui permanent pour faciliter la mise en œuvre d’une pédagogie différenciée et l’accompagnement des étudiants dans la réussite de leur parcours universitaire.

 

Dans un contexte encore hybride mais devenu massivement numérique, la maîtrise de l’information (qui couvre à la fois la recherche, la validation et l’exploitation de l’information) est pour chaque lycéen intégrant un établissement d’enseignement supérieur une compétence à acquérir ou à renforcer, inscrite dans le champ de l’apprentissage de l’autonomie, et mobilisable pour sa vie de citoyen comme dans l’exercice futur de sa profession.

La maîtrise de l’information est une étape nécessaire du processus d’appropriation des connaissances. La généralisation de la formation documentaire dans tous les cycles universitaires, et son intégration dans l’enseignement des disciplines permettra d’améliorer la réussite des étudiants et de favoriser l’innovation pédagogique dans les méthodes d’enseignement. Mais elle impose l’intégration effective des personnels de bibliothèques au sein des équipes pédagogiques au niveau des départements d’enseignement dont chacun devrait être doté d’un bibliothécaire référent qui siégerait de droit au conseil de département. Dans le même esprit, les validations de maquettes de diplômes devraient aborder la question de la formation à la méthodologie documentaire (sans que cela passe par l’introduction dans les maquettes un module réservé) et intégrer dans le coût de la formation celui des collections nécessaires.

La généralisation de la formation documentaire suppose enfin la mise en œuvre d’un ensemble de mesures touchant :

 

–                  Les contenus de formation documentaire dans l’enseignement supérieur, en rapprochant cet enseignement de celui des disciplines, et en mettant en place un principe de progressivité dans l’acquisition des compétences informationnelles jusqu’à l’obtention du diplôme, quel que soit le niveau d’étude (licence, master ou doctorat), et plus facilement capitalisable.

 

–                  Les organigrammes des établissements, en rapprochant les équipes documentaires des équipes pédagogiques, et en associant les bibliothèques à la mise en place des services universitaires de pédagogie (SUP) et des plateformes de formation à distance (FAD).

 

–                  Les plans de formation des établissements, en y développant des offres de formation à destination des enseignants visant à faciliter l’intégration de la démarche et des outils documentaires dans leur pédagogie.

 

–                  Les modalités  de définition et d’accompagnement des dispositifs d’aide à la réussite (intégration des lycéens entrants à l’université, passerelles de réorientation en cours de cursus, passerelles lycées/université de type cordées de la réussite), etc.), de façon à ce que les services documentaires soient mieux associés à la conception et à la mise en œuvre de ces dispositifs.

 

–                  Les infrastructures documentaires et leurs offres, car ce rapprochement préconisé entre les services documentaires et les équipes pédagogiques, ainsi que l’évolution des pratiques étudiantes, supposent de repenser les espaces, les services et l’offre de collection. Des moyens importants devront être mobilisés pour permettre les chantiers indispensables de restructuration ou de construction de bâtiments incitant aux usages mixtes (documentaires/pédagogiques) mais aussi pour mettre enfin les bibliothèques françaises au niveau des standards européens, et garantir aux étudiants une offre hybride (ressources imprimées / électroniques, documentaires/pédagogiques), condition indispensable tant pour les objectifs d’intégration des lycéens dans les études supérieures que pour l’insertion professionnelle des diplômés[1].

 

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Agir pour la recherche : garantir l’accès à l’information scientifique et technique pour tous les chercheurs et mettre en valeur les services personnalisés

 

Proposer des stratégies en termes de dépôts et de mise en valeur des publications

Les stratégies des établissements en matière d’IST doivent prendre en compte toute la chaîne de la publication. Cela implique notamment la création d’entrepôts de données, la mise à disposition de documentation via une politique d’acquisition centrée sur les besoins du chercheur et étayée par des services de proximité (fourniture de documents), des décisions fortes en faveur de l’auto-archivage et de l’open-access et des politiques de numérisation de l’existant ambitieuses et coordonnées.

 

Renforcer l’offre de services personnalisés

Les bibliothèques offrent des services personnalisés aux chercheurs pour prendre en compte leurs besoins réels, notamment en mettant en place des services de veille pour leur accompagnement aux techniques de l’IST.

Car la gestion et la valorisation des publications scientifiques est un enjeu crucial qui nécessite un accompagnement permanent de tous les acteurs. Dans ce domaine comme dans celui, stratégique, de la bibliométrie, les bibliothèques ont les compétences leur permettant de participer activement aux stratégies mises en place dans les établissements (archives institutionnelles).

 

Ces services ne peuvent pas être déconnectés de la bibliothèque universitaire en tant qu’espace. Elle est un des lieux de dialogue et de vie scientifique, un lieu de rencontre, d’échange et de convivialité. Elle s’inscrit comme un carrefour entre recherche et formation, entre recherche et société et comme un acteur de la diffusion et de la dissémination de la culture scientifique et des résultats de la recherche.

 

Les bibliothèques doivent être considérées par les établissements comme des forces de proposition assurant leur rôle de service soutien à la recherche. Des compétences existent dans les bibliothèques : elles sont mises au service des équipes de recherche qui ne doivent pas hésiter à explorer de nouvelles voies de collaboration. Il est surtout important que le Conseil Scientifique de chaque établissement ou regroupement d’établissements détermine et mette en œuvre une stratégie claire sur des thèmes importants comme l’open access, tout en veillant à la cohérence avec  le contexte national de l’IST, lui aussi en évolution.

 

Dans le cadre de l’évolution des besoins et des pratiques des chercheurs, il est également indispensable de mener une réflexion nationale sur la carte et les missions des bibliothèques thématiques de référence que sont les Centres d’acquisition et de diffusion de l’information scientifique et technique (CADIST), à travers la mise en place rapide d’un comité de pilotage associant des chercheurs et des professionnels de la documentation.

 

Enfin, on ne saurait cantonner les bibliothèques à leurs seuls lieux physiques et sites dédiés. Elles ont vocation à œuvrer également hors les murs pour accompagner les activités de recherche où qu’elles se tiennent. Elles sont aussi des acteurs de l’économie du web de demain : données primaires de la recherche, linked data, web sémantique, open data – autant de champs  pour lesquels les bibliothèques constituent de véritables accélérateurs d’innovation.

 

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Contribuer à la définition du nouveau paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche : améliorer la gouvernance des politiques de sites et des établissements

 

Placer les projets documentaires au cœur des politiques de site

Concernant les politiques de sites, il convient de renforcer et encourager celles qui prennent effectivement en compte la documentation et inciter, partout où cela est possible, à sa reconnaissance comme élément essentiel de toute politique de coopération ou de mutualisation entre établissements d’un même site.

Indépendamment des structures (PRES, FCS, alliances, partenariats simples) et de leurs objectifs finaux (de la coopération sur projets définis à la fusion entre établissements en passant par toute la gamme des mises en commun de ressources et de services), les politiques de site devraient systématiquement se doter d’un volet documentaire. Bien qu’ils ne puissent se substituer à la relation de proximité avec le territoire qu’offre l’échelon des établissements, les PRES et autres structures fédératives constituent en effet des approches intéressantes pour initier des politiques de partage de ressources et de coopération autour de l’offre de formation et des priorités scientifiques – dans une logique de politique de site. La documentation, intégrée comme compétence première, permettrait aux responsables des politiques de site de disposer d’une offre de services mieux comprise et appréciée par les enseignants, enseignants-chercheurs et les étudiants.

Ceci posé, l’idée selon laquelle la mutualisation des ressources et services produit des économies d’échelle est à repenser à frais nouveaux tant le marché français de l’IST, inélastique, empêche toute économie d’échelle significative.

 

Renforcer la place du service commun de documentation dans les instances de l’université

La Loi sur la Responsabilité des Universités (LRU)  a eu pour effet dans nombre d’universités de limiter aux seuls directeurs de composantes et chargés de mission la participation aux comités ou aux bureaux de direction, en excluant les directeurs des services communs.

 

Sans méconnaître les raisons qui ont conduit à cette situation, cette disposition ne peut qu’induire une séparation entre le monde de l’enseignement supérieur et de la recherche et celui des services d’appui à ces deux missions, ce qui nous paraît pénaliser la mise en œuvre d’une stratégie d’établissement claire, couvrant l’ensemble des périmètres d’action, et largement partagée.

 

Le directeur du SCD doit participer de droit aux instances stratégiques et structures de pilotage de l’établissement aux côtés de l’équipe présidentielle et des directeurs de composantes. Il doit de même être  étroitement associé à la définition de la politique contractuelle et des grands projets de son établissement : la politique documentaire, particulièrement, articulée autour des programmes d’enseignement et des axes de recherche de l’établissement, ne peut être définie et mise en œuvre qu’avec les enseignants, les chercheurs et les étudiants. Cette collaboration existe toujours, bien entendu de façon informelle, mais elle n’est pas ou plus institutionnelle.

Les SCD participent au processus de diffusion de la culture et de l’IST, à la diffusion et à la valorisation des publications, thèses, objets pédagogiques, et contribuent donc pleinement à la mise en œuvre des missions du service public de l’enseignement supérieur déclinés dans l’article L.123-3 du code de l’éducation, et notamment : la formation initiale et continue, la recherche scientifique et technologique, la diffusion et la valorisation de ses résultats, la diffusion de la culture et l’information scientifique et technique, justifiant pleinement la reconnaissance de ce dialogue nécessaire. Nous attendons de l’État qu’il défende auprès des établissements l’intérêt d’une composition élargie des comités ou bureaux de direction des universités, dans laquelle la documentation puisse trouver une place conforme à ses enjeux.

 

De même, les établissement doivent être incités, notamment en en faisant un critère d’évaluation de la gouvernance des établissements, à ce que les trois conseils (CA, CS, CEVU) inscrivent au moins une fois par an un point de politique documentaire dans les ordres du jour, de façon à ce que la stratégie documentaire puisse être présentée, débattue et validée régulièrement par l’ensemble des élus, dans ses deux dimensions d’appui à la formation et à la recherche.

 

Intégrer tous les aspects de l’activité documentaire dans l’évaluation des établissements

Les services documentaires ont de longue date une solide culture de l’évaluation régulière de leurs activités. Aussi, il est difficilement acceptable de voir dans les indicateurs contractuels leur activité analysée par le seul filtre des horaires d’ouverture : il convient de renforcer très vite la présence des indicateurs documentaires dans les indicateurs des contrats, de façon à ce que l’ensemble des activités de ces services soit pris en compte dans le regard porté sur la politique documentaire des établissements. À cet égard, l’AERES doit modifier son cadre d’analyse des établissements, pour que les bibliothèques puissent être évaluées sur leur démarche d’appui à la recherche et à la pédagogie, et non plus seulement par le biais de la vie étudiante.


[1] Le terme de learning centre a été très galvaudé en France ces dernières années. Il désigne avant tout un dispositif pédagogique liant étroitement enseignement et documentation, pour une pédagogie plus active, plus différenciée, prenant en compte les apprentissages méthodologiques nécessaires à une conduite d’études universitaires réussie. De là, la nécessité de réorganiser les locaux de bibliothèques universitaires, alors qu’on s’est en France la plupart du temps focalisé sur les seules questions d’espaces. Toute opération immobilière de learning centre devrait au préalable faire l’objet d’un solide examen du projet pédagogique sous-jacent, et les crédits être alloués si et seulement si cette évaluation s’avère positive

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